Décès de Hamel et Limoges : Le plus on en sait, le plus on a besoin d’une enquête publique

La publication du rapport d’investigation du coroner Jean Brochu sur les décès de Mario Hamel et Patrick Limoges la semaine dernière a permis d’en apprendre un peu plus sur l’intervention policière qui a couté la vie à Mario Hamel et Patrick Limoges sur la rue Saint-Denis, le 7 juin 2011.

L’investigation menée par le coroner Brochu a été facilitée par l’accès aux images des nombreuses caméras de vidéosurveillance, notamment celles de l’UQAM, qui ont filmées la séquence des événements qui se sont produits dans les rues du centre-ville de Montréal ce jour-là.

Rappelons que l’intervention policière a débuté à 6h35, suite à un appel concernant un homme - identifié plus tard comme étant Mario Hamel – qui éventrait les sacs de poubelles et répandait les détritus sur le trottoir et même au beau milieu de la rue Sainte-Catherine, près de l'intersection de la rue Sainte-Elisabeth… à deux pas du Poste de quartier 21.

De l’avis de tous, Mario Hamel apparaissait troublé mentalement à ce moment-là, cette observation étant corroborée par ses antécédents en matière psychiatrique. 

Au total, l’intervention policière a durée un peu moins de deux minutes, révèle le rapport d’investigation.

À l’arrivée de la première voiture de police, Mario Hamel a rangé son arme blanche dans la poche arrière de son pantalon, écrit le coroner Brochu, pour ensuite rouvrir la lame de son couteau pliant lorsque les policiers ont descendu de leur véhicule.

Le rapport d’investigation ne précise pas la dimension de la lame de l’arme blanche, mais puisqu’il est question d’un couteau pliant on peut déduire qu’il s’agissait-là d’un couteau de poche de type canif.

Le premier geste des policiers dépêchés sur les lieux a consisté à dégainer leur arme à feu et à la pointer en direction de Mario Hamel, tout lui ordonnant de lâcher son couteau.

Notons que le rapport d’investigation ne nomme aucun des quatre policiers impliqués, ce qui ne facilite pas nécessairement la compréhension du rôle spécifique que va jouer chacun d’eux durant l’intervention.

En fait, la seule information que le coroner a publiée à propos des policiers impliqués se limite à dire qu’ils avaient tous un minimum de onze années d’expérience au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

Poivre de Cayenne contre-productif ?

Une deuxième voiture de police est arrivée sur les lieux quelques instants plus tard, alors que les deux premiers policiers avaient déjà dégainé leur arme à feu.

Ces policiers nouvellement arrivés vont imiter leurs collègues en débarquant à leur tour de leur véhicule et en sortant leur arme à feu, quelques secondes avant que Mario Hamel s’engage sur la rue Saint-Denis.

Notons qu’un des agents de la deuxième voiture a reconnu Mario Hamel, qu’il avait rencontré deux semaines plus tôt dans des circonstances que le coroner qualifie de « tout à fait banales », sans préciser davantage.

Toujours est-il que ce policier va pouvoir s’adresser à Mario Hamel en l’appelant par son prénom. Il lui a ainsi crié à cinq ou six reprises « Mario, lâche ton couteau! ».

Mario Hamel n’a pas obtempéré et a plutôt continué à marcher rapidement, suivi de près par les quatre policiers qui se déplaçaient en formant une demi-lune autour de lui, tout en maintenant une « distance sécuritaire » de cinq à six mètres de lui.

« Les policiers ont jugé que Mario Hamel représentait un danger potentiel pour les passants en raison de son comportement agressif et de son état mental désorganisé », lit-on dans le rapport d’investigation.

Selon le coroner, les images vidéos permettent de voir plusieurs passants – incluant une femme se déplaçant en chaise roulante – en train de croiser Mario Hamel sur leur chemin.

Cependant, comme il n’y a rien dans le rapport d’investigation qui laisse croire que Mario Hamel s’en soit pris à une seule de ces personnes, on peut donc être en droit de se demander jusqu’à quel point celui-ci représentait une menace immédiate pour la sécurité des citoyens. D’ailleurs, le coroner dit bien « danger potentiel », et non pas menace immédiate.

Le policier qui connaissait Mario Hamel a ensuite tenté d’asperger celui-ci de poivre de Cayenne. La première tentative a été infructueuse, et ce, « malgré la pression énergique exercée sur le bouton de la bonbonne par le policier », écrit le coroner.

Le policier semble avoir eu plus de succès lors de la seconde de tentative puisque « une partie du jet a atteint Mario Hamel au visage ».

Le rapport d’investigation semble cependant suggérer que le poivre de Cayenne n’a eu que pour seul effet de rendre Mario Hamel plus agressif.

Le coroner écrit en effet que Mario Hamel avait alors les « yeux exorbités et le visage crispé », ajoutant que « le policier a reconnu dans l’attitude de Mario Hamel les signes précurseurs clairs d'une attaque en sa direction : ses épaules se sont soulevées et il a monté la main droite armée de son couteau à la hauteur de son épaule ».

Toujours selon ce policier, Mario Hamel se trouvait alors à environ quatre mètres de lui, une distance que deux autres agents ont toutefois ramenée à environ deux ou trois mètres.

Le courage de tirer dans le dos

Puis, ce policier a entendu « trois ou quatre détonations », c’est-à-dire le bruit des tirs de projectiles d’armes à feu effectués par ses collègues.

Ce n’est donc pas le policier qui se sentait menacé par Mario Hamel qui a fait feu puisque ce dernier a entendu les détonations.

Voilà un fait particulièrement significatif, car il permet de présumer que le policier ne se sentait pas menacé au point d’éprouver le besoin de tirer sur Mario Hamel.

Le coroner conclu pourtant que les policiers n’avaient « plus d'alternative que de tirer avec une arme à feu sur une personne visiblement perturbée mentalement ».

Mais était-ce vraiment le cas ?

Le rapport d’investigation indique que le policier qui connaissait Mario Hamel avait jugé d’entrée de jeu que « l'utilisation d'un bâton télescopique était inappropriée dans ces circonstances ».

Toutefois, comme le rapport ne précise pas pourquoi, malheureusement, le policier en est arrivé à une telle conclusion, nous ne voyons pas ce qui nous obligerait à faire nôtre un pareil raisonnement.

Par ailleurs, le rapport du coroner ne précise pas à quelle distance se trouvait de Mario Hamel les policiers qui ont fait feu.

Fait révélateur, le rapport d’investigation indique qu’aucune évidence de proximité de tir n’a été détectée sur la peau de Mario Hamel.

Plus important encore, le coroner révèle que Mario Hamel a été atteint dans le dos par un projectile d’arme à feu tiré par un policier.

De toute évidence, ce policier ne pouvait être directement menacé par un homme qui lui faisait dos, aussi perturbé ce dernier pouvait-il être.

Voilà qui soulève d’ailleurs des questions sur la justesse de la décision du Directeur des poursuites criminelles et pénales, rendue en mai dernier, à l’effet de ne retenir aucune accusation à l’encontre des policiers impliqués dans cette intervention meurtrière.

Comment en effet peut-on justifier le fait qu’un policier qui n’est pas directement menacé tire une balle dans le dos d’un homme ?

Par le fait qu’il entendait protéger un collègue qui ne se sentait pas suffisamment menacé lui-même pour faire usage de sa propre arme à feu ?

Flagrant délit de mensonge ?

Autre fait méritant d’être souligné : à aucun moment le rapport d’investigation n’allègue que Mario Hamel a foncé sur les policiers avec son couteau.

Le rapport d’investigation indique au contraire que c’est un policier qui s’est approché de Mario Hamel peu avant les tirs fatidiques, et non l’inverse.

« Un des policiers qui marchent dans la rue s’approche tout près de Mario Hamel, s’en éloigne de quelques pas puis revient tout près; on voit alors Mario Hamel faire un geste puis tomber », écrit le coroner.

Or, dans les heures suivant le drame, le SPVM avait fait circuler dans les médias une version voulant que Mario Hamel avait foncé sur les policiers avec son couteau, comme l’indique un article publié sur le site web du journal The Gazette s’appuyant sur les propos tenus par le constable André Leclerc. (1)

D’autres médias, comme le Journal de Montréal (2) et Le Nouvelliste de Trois-Rivières (3), avait d’ailleurs repris cette allégation, sans mentionner le SPVM comme étant la source.

Avons-nous affaire à un autre mensonge honteux du SPVM pour justifier l’usage de la force mortelle sur un citoyen ?

L’hypothèse apparait d’autant plus plausible quand on sait que le SPVM s’est déjà servi des médias par le passé pour faire circuler de fausses informations à propos d’interventions policières controversées.

On peut penser, entre autres, aux fausses informations que le SPVM avait diffusées dans un communiqué de presse à propos de l’intervention policière ayant couté la vie au jeune Fredy Villanueva à Montréal-Nord, en août 2008. (4)

La version du SPVM relativement à l’intervention policière du 7 juin 2011 a d’ailleurs un petit air de déjà vu.

Combien de fois en effet avons-nous lu dans les journaux que les policiers avaient fait feu sur un suspect armé d’un couteau qui avait foncé sur eux ?

Combien de fois les policiers ont-ils menti à la presse, et par ricochet, à l’ensemble de la population, lorsqu’ils avançaient de telles allégations ?

De piètres tireurs

Le rapport d’investigation indique que les policiers ont tirés trois balles au total, mais qu’une seule a atteint Mario Hamel.

Le premier policier ayant ouvert le feu a visé le tronc de Mario Hamel, puis a tiré un second coup de feu car « ne sachant pas si le projectile l’avait atteint puisqu’il ne manifestait aucune réaction ».

Le policier a ensuite vu Mario Hamel s’effondrer au sol.

Le rapport d’investigation nous apprend de plus que « les deux projectiles tirés par l’un des agents qui a fait feu sur Mario Hamel ont manqué leur cible ». Selon le coroner, ce policier se trouvait à « quelques mètres » de Mario Hamel au moment d’ouvrir le feu.

« Le tir au pistolet fait appel à la dextérité fine et cette habileté peut disparaître en situation de stress extrême, comme lorsqu’il faut tirer sur un individu menaçant dans le but de le neutraliser », note le coroner dans son rapport.

Il n’est donc pas rare que les policiers ratent leur cible lorsqu’ils ouvrent le feu lors d’une intervention.

Mentionnons à ce titre l’intervention policière qui a couté la vie à Patrick Saulnier survenue quatre mois plus tôt, à Beaconsfield : des sept balles tirées par les agents du SPVM, une seule a atteint Patrick Saulnier – qui n’était d’ailleurs pas armé. (5)

De nombreuses études attestent du fait que les policiers éprouvent diverses formes distorsions au niveau de leur perception au moment d’appuyer sur la gâchette.

Quand un policier tire, son rythme cardiaque peut grimper jusqu’à 160 battements par minute, tandis que sa motricité fine, ses perceptions et ses sens se modifient, lit-on dans un article publié dans le magazine Jobboom. (6)

« Certains perdent l’ouïe temporairement, sans doute pour permettre à d’autres sens d’être plus aiguisés, comme la vue. D’autres développent une vision en tunnel, centrée sur un seul détail. Le reste est plongé dans le brouillard », explique Jacinthe Thiboutot, une psychologue qui a enseigné pendant sept ans aux apprentis policiers du cégep Ahuntsic.

En 2004, le magazine Police Chief, la publication officielle de l’Association internationale des chefs de police, a dévoilé les résultats d’une étude sur les distorsions perceptuelles menée auprès de 982 membres des forces l’ordre américaines ayant été impliqués dans 430 incidents différents, dont plus de 90% portaient sur des événements où des policiers avaient ouvert le feu. (7)

L’étude a révélé que 89% des sujets avaient éprouvés une forme de distorsion perceptuelle, soit une réduction de l’ouïe (51%), la vision en tunnel (42%), le ralentissement du temps (40%), l’accélération du temps (19%) et l’impression que les sons étaient plus forts qu’en réalité (21%).

De toute évidence, le phénomène de distorsion perceptuelle rend encore plus dangereuses les balles tirées par les policiers puisqu’il accroit le risque de faire feu n’importe où.

Comme on le sait, le fait d’être un piètre tireur a eu des conséquences tragiques lors de l’intervention policière du 7 juin 2011.

On se souvient en effet qu’un passant nommé Patrick Limoges a été atteint à la tête par une balles ayant ricoché sur le trottoir après avoir raté Mario Hamel.

Patrick Limoges se trouvait alors sur le trottoir de l’autre côté de la rue St-Denis, à une cinquantaine de mètres plus au sud de l’intervention policière, précise le coroner.

Le rapport d’investigation révèle aussi que l’unique balle qui a atteint Mario Hamel est sortie au niveau du cou pour heurter un mur de béton de l’UQAM.

C’est donc dire que le risque de balle perdue reste présent même lorsque les policiers atteignent leur cible.

La situation est d’autant plus préoccupante quand on sait que le SPVM ne se donne même pas la peine de compiler des données en lien avec la problématique des balles perdues, tel qu’indiquée dans une lettre du service des affaires juridiques du corps policier datée du 29 novembre 2011 en réponse à une demande d’accès à l’information.

Laxisme épouvantable

Le phénomène de la distorsion perceptuelle devrait normalement inciter le SPVM à mettre davantage d’efforts dans l’entrainement au maniement de l’arme à feu et les exercices de tirs de ses policiers.

Or, le rapport d’investigation révèle plutôt l’épouvantable laxisme dont fait preuve le SPVM en la matière.

Le coroner nous a ainsi appris que les agents du SPVM sont impliqués dans environ 80% des événements où des policiers tirent des coups de feu qui surviennent chaque année alors qu’ils ont le taux de qualification le plus bas parmi les policiers du Québec.

Si le taux de qualification au pistolet pour les agents du SPVM était d’environ 98 % au début des années 2000, il a brutalement chuté à 43 et 56 % pour les deux dernières années de la décennie, lit-on dans le rapport d’investigation.

On apprend de plus que le taux d’absence aux séances de qualification de tir avoisine les 20 % au SPVM.

« Comme il ne semble pas y avoir de conséquence au niveau interne quant à la non-qualification au tir, certains officiers et agents seraient tentés de prendre les choses plus légèrement », écrit le coroner, ajoutant qu’il s’agit-là d’une « situation demandant une amélioration significative et rapide ».

Une demande d’accès à l’information a par ailleurs permis d’apprendre que le SPVM demande à tous ses policiers armés de se qualifier une fois l’an avec leur arme de service lors d’une pratique de tir. En date novembre 2011, il n’existait toutefois aucune procédure écrite à cet effet au SPVM.

Cette même demande d’accès à l’information a aussi permis de découvrir que seulement 38% de l’effectif policier avait participé à une qualification de tir et plus de 1500 policiers avaient assisté à une pratique en date du 20 octobre 2011, ce qui n’était pas particulièrement de bon augure…

Notons que les exigences du SPVM en matière de qualification de tir correspondent au seuil minimal requis par le Guide des pratiques policières publié par la Direction des affaires policières et de la prévention de la criminalité du ministère de la Sécurité publique du Québec.

Le Guide prévoit en effet que le directeur d’un corps de police doit s’assurer que tous les policiers à qui il remet une arme de service ou de support se requalifient au moins une fois l’an, selon les normes établies par l’École nationale de police du Québec.

Porter sur soi une arme à feu chargée et prête à tirer est une lourde responsabilité que de nombreux policiers du SPVM semblent malheureusement prendre à la légère.

Mais si les policiers du SPVM ne s’intéressent pas plus qu’il faut à remplir les obligations accompagnant le port d’une arme à feu, alors peut-être faudrait-il commencer à songer à les soulagés de ces pistolets qu’ils portent à la ceinture ?

Une idée comme ça.

Une alternative létale

L’aspect le plus controversé du rapport d’investigation est sans doute la recommandation du coroner à l’effet « d’équiper plus d’agents et de véhicules de patrouille d'armes intermédiaires comme l’arme à impulsion électrique », communément appelée pistolet Taser.

Cette recommandation s’inscrit pourtant à contre-courant de la baisse tendancielle du recours aux pistolets Taser chez les policiers canadiens.

Par exemple, on apprenait récemment qu’en Colombie-Britannique, l’une des premières provinces canadiennes à avoir équipé les policiers à l’arme à impulsion électrique, le recours aux pistolets Taser a chuté de 90% depuis le décès très médiatisé de Robert Dziekanski à l’aéroport de Vancouver, il y a cinq ans. (8)

Qui plus est, cette baisse ne s’est pas traduite par une augmentation du recours à l’arme à feu. En fait, selon des responsables du ministère de la Justice de la province, les policiers de Colombie-Britannique semblent avoir davantage recours à des tactiques verbales et d’autres stratégies lorsqu’ils font affaire à des personnes potentiellement dangereuses.

À Terre-Neuve, l’affaire Dziekanski a incité la Force constabulaire royale à annuler une commande de quarante-et-un pistolets Tasers. Seuls les agents de l’unité tactique de ce corps policier disposent d’armes à impulsion électrique. (9)

Même chose en Saskatchewan, où la commission de police provinciale a renoncé à autoriser les membres des quatorze corps policiers municipaux et autochtones à recourir aux pistolets Tasers.

Aux États-Unis, les villes de Boston, Detroit, Washington et San Francisco ont soit décidé de se débarrasser des pistolets Tasers, soit choisi de ne pas s’en prévaloir lorsque l’occasion d’en faire l’acquisition s’était offerte à elles. (11)

« Même si elle est soupçonnée d’avoir causé des décès, elle ne peut être plus nocive qu’une arme à feu, fait valoir le coroner dans son rapport à propos des pistolets Tasers. Utilisée à proximité de passants dont il n'est pas possible de contrôler les allées et venues, elle peut éviter de faire des victimes "collatérales", comme cela s’est produit le 7 juin 2011 ».

« Soupçonnée », le mot est faible.

En fait, les preuves liant le recours aux armes à impulsions électriques à des décès s’accumulent.

Il y a deux ans, un décès survenu lors d’une intervention policière a été directement associé au pistolet Taser de façon officielle, une première au Canada. Selon un rapport de l’Unité spéciale d’enquête, basée en Ontario, le décès de Aron Firman a été causé par une « arythmie cardiaque provoquée par le déploiement d’un dispositif de contrôle électronique dans un homme agité ». (12)

Déjà, en 2008, Amnesty International, avait publié un rapport dans lequel l’organisme de défense des droits humains révélait que les médecins légistes avaient estimé que les pistolets Taser étaient cités comme étant la cause ou l’un des facteurs contribuant au décès de plus de soixante personnes aux États-Unis. (13)

Le conseiller municipal et ex-membre du comité exécutif de Montréal Marvin Rotrand a pour sa part rejeté la recommandation du coroner.

« Je pense que le coroner veut que le service de police fasse un pas de géant en arrière », a-t-il déclaré au réseau CTV. (14)

Même le sergent Ian Lafrenière du SPVM s’est montré plutôt tiède à l’idée.

« Ce n'est pas une solution pour tout, a reconnu le policier relationniste. C’est toujours dangereux. Il ya toujours des conséquences ».

Une enquête publique, plus que jamais

Au mois de mai dernier, la Coalition contre la répression et les abus policiers avait écrit à la Coroner en chef du Québec, la docteure Louise Nolet, pour lui demander d’ordonner la tenue d’enquête publique après que le Directeur des poursuites criminelles et pénales ait annoncé sa décision de ne pas porter d’accusations contre les policiers impliqués dans l’intervention policière qui a couté la vie à Mario Hamel et Patrick Limoges.

À ce moment-là, la Coroner en chef nous avait répondu qu’il était prématuré de se prononcer sur l’opportunité de tenir une telle enquête compte tenu du fait que l’investigation n’était pas encore terminée.

Maintenant que le rapport d’investigation a été rendu public, la CRAP a de nouveau interpellé la Coroner pour lui demander d’utiliser les pouvoirs qui lui sont conférés à l’article 105 de la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès pour faire toute la lumière sur les causes et circonstances des décès de MM. Hamel et Limoges.

Les avantages d’une enquête publique sont incontestablement nombreux. Elle permettrait au public de visionner les bandes vidéo de l’intervention policière du 7 juin 2011, ce qui pourrait notamment confirmer une fois pour toute que Mario Hamel n’a jamais foncé sur les policiers.

Une enquête publique offrirait aussi l’occasion de trouver des réponses à des questions que se posent nombre de citoyens, à savoir pourquoi le premier policier à avoir ouvert le feu a-t-il été incapable d’atteindre Mario Hamel et pourquoi un autre policier a-t-il jugé bon de tirer une balle dans le dos à ce dernier.

De plus, une enquête publique permettrait d’examiner à fond la question controversée du recours aux pistolets Tasers.

La CRAP n’est d’ailleurs pas la seule à être convaincue de la nécessité d’une telle enquête publique.

« Sans enquête publique, vu le manque de transparence des enquêtes de la police sur la police, toutes les questions troublantes restent ici sans réponses », a ainsi écrit Rima Elkouri dans La Presse la semaine dernière. (15)

Fait à souligner, si les décès de Mario Hamel et Patrick Limoges s’étaient produits en Ontario, une enquête publique serait tenue de façon automatique, en vertu de la loi sur les coroners de cette province.

Le gouvernement du Québec devrait d’ailleurs sérieusement songer à imiter nos voisins ontariens à ce chapitre.

 

Notes et sources :

(1) The Gazette, “Bystander dies after being shot by Montreal police”, Max Harrold, June 7 2011 6:25 PM.

(2) Le Journal de Montréal, « Ricochet fatal », Daniel Renaud, 8 juin 2011.

(3) http://www.lapresse.ca/le-nouvelliste/justice-et-faits-divers/201106/09/01-4407457-fusillade-policiere-cest-plus-quune-terrible-malchance.php

(4) Durant son témoignage à l’enquête du coroner, le sergent-détective Bruno Duchesne de la SQ a expliqué que le contenu du communiqué du SPVM ne correspondait pas aux faits qui sont ressortis durant son enquête. « On n'a pas été capable de démontrer que les policiers s'étaient fait entourer », a-t-il déclaré. Il a également déclaré que son enquête n'avait pas permis d'établir qu'un « bon nombre d'individus » s'étaient « rués » sur les policiers, comme l’avait également allégué le communiqué.

(5) http://www.montrealgazette.com/news/shot+police+likely+suicidal+coroner/7571435/story.html

(6) http://carriere.jobboom.com/marche-travail/dossiers-chauds/2008/08/14/6453261.html

(7) http://www.policechiefmagazine.org/magazine/index.cfm?fuseaction=display&article_id=469&issue_id=122004

(8) The Province, “Drop in Taser use is great news for B.C”, October 11 2012, p. A20.

(9) Telegraph-Journal, “City police don't plan moratorium on Tasers”, Jeff Ducharme, November 21 2007. p. C6.

(10) The Leader Post, “The debate rages over safety of Tasers”, Jordana Huber, July 26 2008, p. B8.

(11) The Gazette, “Taser a necessary evil? - Used as 'intermediate' measure”, Jan Ravensbergen, April 28 2010, p. A6.

(12) Toronto Star, “SIU concludes police Tasering caused death of schizophrenic”, Curtis Rush, December 8 2010, p. A16.

(13) http://www.amnesty.org/en/news/usa-stricter-limits-urged-deaths-following-police-taser-use-reach-500-2012-02-15

(14) http://montreal.ctvnews.ca/coroner-recommends-more-stun-guns-for-montreal-police-1.1067312

(15) http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/rima-elkouri/201212/06/01-4601323-au-dela-du-pistolet-electrique.php