Mauvais augure pour le Bureau des enquêtes indépendantes

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Au beau milieu de l’été, la ministre de la Sécurité publique, Lise Thériault, a fait publier dans la Gazette officielle du Québec un projet de règlement sur le déroulement des enquêtes dont sera chargé le futur Bureau des enquêtes indépendantes, ce mécanisme d’enquête appelé à remplacer les enquêtes de la police sur la police. Comme le prévoit la procédure habituelle, les personnes et organismes disposaient d’un délai de 45 jours pour formuler des commentaires à l’endroit du projet de règlement. À l’instar de la Ligue des droits et libertés, la Protectrice du citoyen et la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, la Coalition contre la répression et les abus policiers (CRAP) a participé à la consultation en soumettant une analyse critique du projet de règlement. Vous trouverez ci-dessous l’intégralité des commentaires formulés par la CRAP relativement au projet de règlement.

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Le 15 juillet 2015, la ministre de la Sécurité publique a déposé un projet de règlement sur le déroulement des enquêtes dont est chargé le Bureau des enquêtes indépendantes (ci-après le bureau).

Par la présente, la Coalition contre la répression et les abus policiers souhaite offrir ses commentaires relativement au projet de règlement dans l’esprit d’accroître l’efficacité des enquêtes du Bureau.

La Coalition contre la répression et les abus policiers avait participé aux consultations particulières tenues par la Commission des institutions de l’Assemblée nationale sur le projet de loi 12, Loi modifiant la Loi sur la police concernant les enquêtes indépendantes, durant la quarantième législature.

À cette occasion, nous avions déposé un mémoire de plus de 500 pages, en tenant compte de la volumineuse annexe contenant une analyse critique détaillée de l’historique du parcours, souvent péniblement parsemé d’embûches, de l’Unité des enquêtes spéciales (« Special investigation unit »), équivalent ontarien du Bureau des enquêtes indépendantes mis sur pied en 1990. (1)

1. Un policier impliqué dans une intervention policière ou une détention par un corps de police pendant laquelle une personne, autre qu’un policier en devoir, décède, subit une blessure grave ou est blessée par une arme à feu utilisée par un policier doit :

1° se retirer de la scène de l’événement dès que possible;

Cette disposition va de soi.

D’ailleurs, dans le mémoire que nous avions déposé à l’occasion des consultations particulières sur le projet de loi 12, nous avions recommandé au ministre de la Sécurité publique de l’époque que les témoins policiers soient immédiatement isolés de façon à ne pouvoir communiquer avec quiconque à la suite d’un incident relevant de la juridiction du Bureau.

Notons en outre que le Mode de fonctionnement 241 du Service de police de la Ville de Montréal (ci-après SPVM) prévoit déjà que le policier impliqué dans un événement donnant lieu à une enquête indépendante doit se retirer de la scène dès que possible après qu’un autre policier l’ait rejoint sur les lieux.(2) Ainsi, l’alinéa 1o de l’article 1 du projet de règlement se trouve à perpétuer une obligation déjà prévue par la procédure interne du plus important corps policiers municipal du Québec.

2° rédiger de manière indépendante, notamment sans consultation et sans influence externe, un compte rendu exact, détaillé et exhaustif portant notamment sur les faits survenus lors de l’événement, le signer et le remettre aux enquêteurs du Bureau des enquêtes indépendantes dans les 24 heures suivant l’événement, à moins que le directeur du Bureau ne lui accorde un délai supplémentaire;

Nous sommes également parfaitement avec accord avec l’alinéa 2o de l’article 1 du projet de règlement qui, encore une fois, correspond aux recommandations que nous avions formulés à l’endroit du ministre de la Sécurité publique dans le mémoire que nous avions déposé à l’occasion des consultations particulières sur le projet de loi 12. De plus, cette disposition apparait conforme aux principes énoncés dans l’arrêt Wood c. Schaeffer rendu par la Cour suprême du Canada le 19 décembre 2013.(3)

Nous estimons également qu’il y a lieu d’imposer le même délai au compte rendu des faits auquel fait allusion l’alinéa 2o de l’article 1 du projet de règlement, c’est-à-dire qu’il soit remis aux enquêteurs du Bureau avant la fin du quart de travail des policiers impliqués et témoins, à moins de circonstances exceptionnelles.

Nous croyons cependant que l’alinéa 2o de l’article 1 souffre d’importantes omissions.

D’abord, cette disposition devrait également stipuler que les policiers impliqués et témoins doivent remettre aux enquêteurs du Bureau toutes les notes qu’ils ont rédigés ayant un rapport de près ou de loin avec l’événement visé par l’enquête  du Bureau.

Rappelons à ce titre que la prise de notes est un élément essentiel du travail policier. Les notes consignées dans le calepin du patrouilleur constituent en effet un outil de travail et aide-mémoire incontournable pour le travail quotidien du policier. Aussi, cette prise de notes doit-elle se conformer à un protocole afin de devenir une preuve valable et utilisable lors d’une enquête policière.

Dans son mémoire soumis à l’occasion des consultations particulières sur le projet de loi 12, la Protectrice du citoyen avait d’ailleurs recommandé que le règlement adopté en vertu de l’article 289.4 de la Loi sur la police prévoie une obligation pour les policiers à l’effet de « remettre leurs notes complétées sur les événements avant la fin du quart de travail sauf circonstances exceptionnelles ».

Nous invitons donc la ministre de la Sécurité publique à amender l’alinéa 2o de l’article 1 de son projet de règlement de façon à rencontrer la recommandation formulée par la Protectrice du citoyen.

Nous tenons par ailleurs à signaler qu’en Ontario, la règlementation portant sur les enquêtes de l’UES prévoient des obligations relativement à la remise de notes.(4) Il en est de même en Nouvelle-Écosse.(5) De telles obligations sont également prévues dans le protocole d’entente (6) ratifié entre le Bureau des enquêtes indépendantes (« Independent investigation office ») et les différents corps policiers œuvrant dans la province.

Notons toutefois que, dans ces trois provinces, ces obligations ne s’appliquent qu’aux agents désignés comme étant des policiers témoins, ce qui nous apparait trop restrictif. En effet, dans le mémoire que nous avions soumis à l’occasion des consultations particulières relativement au projet de loi 12, nous avions fait valoir que ce type de limitation posait un obstacle n’ayant pas lieu d’être dans la quête de vérité du Bureau. Pour cette raison, nous avions recommandé au ministre de la Sécurité publique que tous les policiers, incluant ceux qui pourraient un jour être inculpés d’une infraction criminelle en lien avec l’incident sous enquête devraient être soumis à la même obligation de collaborer avec les enquêteurs du Bureau, dans la mesure où toutes informations et documents fournis par un policier aux enquêteurs du Bureau dans ces circonstances contraignantes ne pourront être utilisés au cours d’éventuelles procédures criminelles contre ce même policier si celui-ci est inculpé d’un acte criminel en lien avec ce même incident ayant fait l’objet d’une enquête du Bureau, en conformité avec la protection constitutionnelle contre l’auto-incrimination prévue à l’article 13 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Fait à noter, le protocole d’entente de la Colombie-Britannique prévoit que le policier impliqué doit remettre toutes portions de ses notes, rapports ou données contenant des déclarations communiquées par un témoin au policier impliqué.

Pour ces motifs, nous invitons la ministre de la Sécurité publique à amender l’alinéa 2o de l’article 1 de son projet de règlement de façon à obliger tout policier à remettre toute portion de de son carnet de notes contenant des informations pertinentes à l’incident faisant l’objet d’une enquête du Bureau, et ce, dans les mêmes délais que ceux énoncés pour la remise du compte-rendu écrit des faits.

3° rencontrer les enquêteurs du Bureau;

Il tombe sous le sens que le policier impliqué dans un événement donnant lieu à une enquête du Bureau rencontre les enquêteurs dudit Bureau.

Nous estimons cependant qu’il est essentiel que l’alinéa 3o de l’article 1 précise que le policier impliqué, de même que le policier témoin, doivent répondre à toutes les questions que les enquêteurs du bureau lui poseront en lien avec l’événement sous enquête, de même que de leur fournir tous documents pertinents à cette même fin.

En effet, selon le libellé de l’alinéa 3o de l’article 1 du projet de règlement, rien n’empêche le policier impliqué ou témoin de refuser toutes les questions des enquêteurs du Bureau, sa seule obligation se limitant au simple fait de rencontrer ceux-ci. Il n’y a aucune utilité de prévoir une obligation de rencontrer les enquêteurs du Bureau si cette rencontre ne contribue en rien à faire avancer l’enquête sur l’événement.

Le problème soulevé ici n’a d’ailleurs rien de farfelu si l’on se base sur l’enquête menée par la Sûreté du Québec dans l’affaire Fredy Villanueva. L’enquête publique présidée par le coroner André Perreault dans cette affaire nous avait ainsi permis d’apprendre que le policier impliqué avait rencontré les enquêteurs de la Sûreté du Québec dans le cabinet de son avocat, pour immédiatement invoquer son droit au silence dès la première question. Les enquêteurs de la Sûreté du Québec étaient alors repartis bredouille.

Soulignons d’ailleurs que la règlementation ontarienne (9) et néo-écossaise (10) ne se limitent pas qu’à énoncer un devoir de rencontrer les enquêteurs, mais prévoient aussi un devoir de répondre aux questions de ceux-ci. Il en est de même avec le protocole d’entente de la Colombie-Britannique.(11) Notons, encore une fois, que les obligations énoncées aux règlementations ontariennes et néo-écossaises ne s’appliquent qu’aux policiers témoins, tandis qu’en Colombie-Britannique les policiers impliqués peuvent être interrogés uniquement sur une base volontaire. Nous sommes d’avis que les policiers impliqués et témoins devraient tous deux être soumis à l’obligation de répondre à toutes les questions des enquêteurs du Bureau, et ce, pour les motifs déjà énoncés dans les commentaires que nous avons précédemment formulés relativement à l’alinéa 2o de l’article 1 du projet de règlement.

Nous sommes d’avis que le règlement devrait aussi prévoir que l’obligation de répondre à toutes les questions des enquêteurs du Bureau devrait s’appliquer à n’importe quel autre membre du corps policier impliqué, incluant des policiers qui n’étaient pas présents sur les lieux, comme par exemple un policier ayant participé à la planification de l’opération policière.

Ainsi, si une personne perd la vie ou subi des blessures graves lors d’une opération policière planifiée d’avance durant laquelle, par exemple, un bélier a été utilisé pour défoncer la porte d’une maison d’habitation, il pourrait alors être tout à fait pertinent pour les enquêteurs du Bureau d’interroger les officiers supérieurs ayant décidés préalablement de recourir à un tel usage de la force pour faire irruption dans la demeure des personnes visées par l’opération policière.

Nous sommes en outre d’avis qu’il pourrait être d’intérêt pour le Bureau, dans certaines circonstances, d’interroger des policiers qui n’étaient pas impliqués, ni témoins, mais disposant d’informations utiles et pertinentes à son enquête. Prenons par exemple une situation où le policier impliqué confierait à un collègue de travail des informations de nature à contredire la version des faits qu’il avait préalablement soumise aux enquêteurs du Bureau. Il serait alors déplorable que les enquêteurs du Bureau soient privés de la possibilité d’interroger ce policier non-impliqué et non-témoin dans leur recherche de la vérité à cause d’une faille dans le règlement.

Pour ces motifs, nous recommandons que le règlement accorde aux enquêteurs du Bureau le pouvoir d’interroger n’importe quel membre du corps de police impliqué.

Le règlement devrait aussi prévoir des pouvoirs pour le Bureau lorsqu’un policier impliqué ou témoin provient des rangs de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ou d’une organisation policière de l’extérieur de la province. Il n’est pas rare en effet que les membres de la Sûreté du Québec et de corps policiers municipaux québécois participent à des opérations policières conjointes, notamment dans le cadre d’enquêtes menées par des Escouades régionales mixtes (ERM) comportant la participation d’agents de la GRC. Compte tenu que des incidents graves relevant de la juridiction du Bureau peuvent également survenir lorsque des policiers de l’ERM procèdent à des arrestations, le Bureau devrait pouvoir exercer ses pouvoirs à l’égard de tous les policiers, sans exception, ayant été impliqués ou témoins en pareilles circonstances. L’ex-juge de la Cour supérieure de l’Ontario, Georges W. Adams, avait d’ailleurs abordé cette question dans son second rapport sur l’UES.(12)

Nous sommes aussi grandement étonnés de constater le silence complet du présent projet de règlement concernant la gestion des témoins civils lors d’enquêtes menées par le Bureau.

La différence de traitement entre témoins civils et policiers dans l’affaire Fredy Villanueva avait pourtant soulevé un énorme tollé lorsque le public a été informé du fait que les témoins policiers directement impliqués dans l’incident avaient bénéficiés d’un traitement de faveur de la part de leurs collègues policiers, alors que les témoins civils avaient été virtuellement détenus par le SPVM durant les longues heures avant qu’ils ne soient rencontrés par des enquêteurs de la Sûreté du Québec. D’ailleurs, il n’y a, selon nous, rien d’exagéré à aller jusqu’à dire que la création du Bureau lui-même découle, dans une certaine mesure, de l’indignation populaire soulevée par les révélations entourant le fait que les enquêteurs de la Sûreté du Québec avaient appliqués la règle du deux poids, deux mesures, à l’égard des témoins de l’intervention du SPVM s’étant soldée par le décès du jeune Villanueva selon qu’ils soient civils ou policiers. Malheureusement, le présent projet de règlement ne prévoit aucune mesure pour empêcher la répétition de telles iniquités déplorables dans le traitement des témoins civils et policiers.

Dans le mémoire que nous avions déposé à l’occasion des consultations particulières sur le projet de loi 12, nous avions d’ailleurs recommandé que les enquêteurs du Bureau traitent tous les témoins sur un même pied d’égalité, indépendamment du fait qu’ils soient civils ou policiers. Il en va, selon nous, de la confiance du public à l’égard du nouveau mécanisme d’enquête. Concrètement, cela signifie que si les enquêteurs du Bureau jugent nécessaire d’aller interroger des témoins civils sur leur lit d’hôpital, alors ils devraient en faire autant lorsque des témoins policiers sont hospitalisés. Nous y voyons là une simple question d’équité. En appliquant un traitement uniforme envers tous les témoins, sans exception, le Bureau ne prêtera pas flanc aux allégations de traitements de faveur envers les policiers qui pourraient gravement entacher sa crédibilité aux yeux du public.

Nous pressons donc la ministre de la Sécurité publique d’amender son projet règlement de façon à énoncer le principe selon lequel les témoins policiers et civils doivent être traités sur un même pied d’égalité lors des enquêtes menées par le Bureau.

Nous sommes aussi d’avis que le règlement devrait prévoir des modalités entourant la collaboration des témoins civils à l’enquête du Bureau. Compte tenu que le Code de déontologie des policiers du Québec interdit aux policiers de détenir, aux fins de l'interroger, une personne qui n'est pas en état d'arrestation,(13) les policiers responsables de la scène d’incident devraient inviter les témoins civils à demeurer sur les lieux d’ici l’arrivée des enquêteurs du Bureau, dans la mesure où le délai d’arrivée sur les lieux n’est pas déraisonnable, à défaut de quoi lesdits policiers pourraient simplement demander aux témoins civils de leur communiquer leurs coordonnées en vue de les acheminer aux enquêteurs du Bureau.

4° s’abstenir de communiquer avec un autre policier impliqué au sujet de l’événement jusqu’à ce qu’il ait remis son compte rendu et qu’il ait rencontré les enquêteurs du Bureau;

Encore une fois, cette disposition ne va pas, selon nous, suffisamment loin.

En limitant les communications prohibées à celles pouvant survenir entre les policiers directement impliqués dans l’événement, le projet de règlement ouvre la porte à l’inquiétante possibilité que les policiers impliqués puissent contourner pareille obligation en communiquant entre eux par l’intermédiaire de policiers témoins ou encore des policiers qui ne sont pas considérés comme étant directement impliqués dans l’événement sous enquête.

5° rester disponible aux fins de l’enquête.

Cette disposition tombe sous le sens, quoiqu’il serait préférable que le texte du règlement précise ce que l’on entend au juste par disponibilité, c’est-à-dire de répondre à toutes les questions que les enquêteurs du Bureau pourraient avoir à leur poser.

Un policier témoin d’un événement visé au premier alinéa est également soumis aux obligations prévues aux paragraphes 1°, 2°, 3° et 5° de cet alinéa.

Nous sommes stupéfaits de constater que l’alinéa 4o de l’article 1 du projet de règlement ne s’applique pas au policier témoin.

Cette étrange omission nous apparait incompréhensible puisqu’elle permettra au policier témoin de discuter en tout temps des faits sous enquête avec tout autre policier témoin et, pire encore, le policier impliqué, et ce, avant même que celui-ci n’ait remis sa version écrite des faits et rencontré les enquêteurs du Bureau, avec tous les risques que cela comporte sur le plan de la contamination des témoins policiers, qu'ils soient impliqués ou témoins. Une pareille situation viendrait alors complètement annuler l’effet recherché par la disposition du projet de règlement prévoyant la rédaction du compte rendu factuel de l’événement de manière indépendante.

Un policier impliqué est un policier présent lors d’un événement visé au premier alinéa et dont les actions ou les décisions pourraient avoir contribué au décès, aux blessures graves ou aux blessures causées par une arme à feu utilisée par un policier. Un policier témoin est un policier en présence de qui s’est déroulé un tel événement, mais qui n’est pas un policier impliqué.

Nous sommes satisfaits de constater que le projet de règlement ne répète pas la même erreur que le législateur ontarien avait commise en distinguant les policiers témoins et policiers impliqués de façon à n’imposer aucune obligation de collaborer aux premiers contrairement aux seconds, comme nous l’avions indiqué dans le mémoire que nous avions déposé à l’occasion des consultations particulières sur le projet de loi 12.

Constitue une blessure grave toute blessure physique pouvant entraîner la mort ou résultant en des conséquences physiques importantes.

Il nous apparait évident que le caractère excessivement vague de la définition de blessure grave énoncée dans le projet de règlement laisse une trop grande place à interprétation, notamment de la part du corps policier impliqué, dans le fait de décider si un incident doit faire l’objet ou non d’une enquête du Bureau. Il ne fait en effet aucun doute que la compréhension d’une notion aussi imprécise que celle de « conséquence physique importante » peut varier d’un policier à l’autre.

Il est impératif que la ministre de la Sécurité publique tire les leçons qui s’imposent de l’expérience ontarienne en la matière, comme nous l’avions explicité dans le mémoire que nous avions déposé à l’occasion des consultations particulières sur le projet de loi 12. Le législateur ontarien a en effet omis de définir ce que constitue une blessure dans la loi constitutive de l’UES, la Loi sur les services policiers. (14)

C’est d’ailleurs en raison de cette invraisemblable omission que John Osler, le premier directeur de l’UES, avait dû élaborer, après consultation auprès de l’Association des chefs de police de l’Ontario, une définition de blessure grave, en 1991, laquelle s’énonce ainsi:

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l'ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider la mesure dans laquelle elle interviendra.

Cette définition n’a toutefois pas force de loi en Ontario, et ce, encore aujourd’hui.

Dans son rapport de 2003 sur l’UES, le juge Adams avait formulé les remarques suivantes :

Il est intéressant de noter que cette définition des lésions corporelles ne réfère pas directement au niveau de gravité de la lésion. La Cour suprême du Canada, dans l’affaire R. c. McCraw, a toutefois défini les lésions corporelles graves comme étant toute blessure, physique ou psychologique, qui porte atteinte de façon grave ou importante à l’intégrité physique ou psychologique, la santé ou le bien-être du plaignant. En surface, la définition d’Osler ne semble donc pas tenir compte complètement de la référence qui est faite à la gravité dans l’expression « blessures graves », ni traiter de la composante psychologique possible d’une blessure. Elle représente au contraire une tentative de concrétiser les pouvoirs qu’accorde à l’UES la Loi sur les services policiers et l’obligation connexe de la police d’aviser l’UES, en offrant aux parties une approche pratique par rapport à des faits qui varieront d’un cas à l’autre. (15)

En 1999, l’Association des chefs de police de l’Ontario avait entrepris de combler le vide juridique laissé par le législateur ontarien en adoptant sa propre définition de ce qu’elle estimait être une blessure grave nécessitant un appel à l’UES. La définition retenue se lisait ainsi:

« Blessures graves » doit signifier :

1. Les blessures qui portent atteinte à la santé d’une personne mais n’incluent pas:

a) les fractures, les coupures et les brûlures qui ne nécessitent pas de soins intensifs de courte durée dans un hôpital ou

b) l’admission dans un hôpital aux fins d’observation seulement.

2. Les accusations ou la preuve d’agression sexuelle.(16)

Les chefs de police ontariens avaient ainsi décidés que l’UES ne devrait pas être informée d’un incident à moins qu’un citoyen n’ait été hospitalisé en raison d’une blessure grave survenue durant une intervention policière ou durant la détention. Dans les faits, cela signifiait que l’UES ne sera pas avisée lorsqu’un citoyen sera admis à l’hôpital et libéré le jour même, peu importe les circonstances entourant l’infliction des blessures par les policiers.(17) Aussi, cette nouvelle définition, par ailleurs passablement plus restrictive que celle élaborée par M. Osler, avait-elle apporté son lot de controverse.

Ainsi, Peter Tinsley, directeur de l’UES à l’époque, avait déploré l’initiative des chefs de police ontariens. « [TRADUCTION] C’est un problème extrêmement critique, car cela revient à placer une limitation substantielle sur le champ traditionnel de nos opérations.(18)  Si vous attendez (la police) afin de déterminer si la blessure est grave, quatre jours plus tard la scène a disparu, vos témoins sont partis », avait-il déploré. (19)

Le 23 novembre 2000, la Commission de police de Toronto a tranché la question en ordonnant au chef de la police métropolitaine de Toronto, Julian Fantino, de cesser d’utiliser la définition de blessure grave retenue l’Association des chefs de police de l’Ontario.(20) (Notons que celle-ci avait d’ailleurs adopté cette définition alors que M. Fantino occupait le poste de président de l’association). Toutefois, le problème de fond n’était pas toujours réglé, la notion de blessure grave demeurant litigieuse entre l’UES et nombre de corps policiers ontariens.

Comme l’a observé le juge Adams, l’incertitude persistante entourant cette notion avait parfois pour conséquence que la police ne se conforme pas à son devoir de sécuriser la scène de l’incident :

[…] il semble qu’il n’y ait plus le genre de difficultés à l’égard de la sécurité des lieux d’incidents que j’avais mentionnées dans mon rapport antérieur (p. ex., le fait que la police laissait parfois des personnes non autorisées pénétrer sur les lieux d’un incident).

L’exception évidente à ce commentaire positif concerne les cas où la question de « compétence » s’est posée et où l’incident n’a pas été rapporté. Dans ces cas, il est possible que le lieu de l’incident n’ait pas été protégé du tout. Ce genre de situation s’est produit même dans des cas où une personne avait été conduite à l’hôpital par la police, voire, dans certains cas, admise pour observation. Étant donné qu’ils n’étaient pas certains de la véritable nature de la blessure et qu’ils travaillaient en présumant qu’il ne s’agissait pas d’une blessure grave, les policiers ont signalé l’incident avec retard, voire pas du tout.(21)

Par ailleurs, dans un rapport produit en 2006, le professeur de criminologie Scot Wortley avait d’ailleurs recensé le nombre de dossiers d’enquêtes fermés par l’UES sous le motif que les blessures subies par un citoyen aux mains d’un corps policier ontarien n’étaient pas suffisamment « graves » selon les termes de la « définition Osler ». Sur les 1113 cas étudiés par M. Wortley, couvrant la période entre le 1er janvier 2000 et le 6 juin 2006, 329 enquêtes avaient rapidement été bouclées, et ce, dans 57% des cas sous le motif que les blessures infligées ne rencontraient pas les critères énoncés à la « définition d’Osler ».(22)

Dans son premier rapport d’enquête sur l’UES, l’Ombudsman de l’Ontario André Marin avait aussi soulevé différents problèmes entourant l’interprétation que fait l’UES de la notion de « blessure grave » :

68 À une époque, l’UES considérait qu’un nez cassé était une blessure grave, mais ce n’est plus le cas. Certains membres du personnel d’enquête de l’UES ont dit à nos enquêteurs que le seuil des « blessures graves » changeait constamment. Ils ont évoqué un cas où le mandat de l’UES n’a pas été invoqué une semaine, mais l’a été la semaine suivante, pour deux blessures similaires causées par le même policier.

69 Certains des dirigeants de la police que nous avons interviewés nous ont aussi parlé des contradictions qu’ils voyaient dans la manière dont l’UES interprétait « blessure grave ». L’un d’eux a précisé que, dans certains cas, des fractures aux côtes font l’objet d’une enquête, mais pas dans d’autres cas – et ceci sans explication. Nous avons aussi entendu parler d’un cas où la perte d’une douzaine de dents n’avait pas été considérée comme grave, ce qui avait surpris le responsable de police chargé du cas.

70 En fait, la définition ad hoc de « blessure grave » utilisée par l’UES laisse beaucoup à désirer. Par exemple, les tirs de la police ne déclenchent pas forcément une enquête de l’UES. Dans un cas, une balle de pistolet avait traversé l’épaule de la victime et avait causé des dommages aux tissus, mais l’UES n’avait pas enquêté, considérant qu’il y avait eu simplement « blessure des tissus mous ». Certains membres du personnel de l’UES se sont dits inquiets de l’interprétation restrictive de leur mandat. Pour illustrer ces préoccupations, l’un des membres du personnel d’enquête de l’UES a décrit un cas où une personne avait été « rouée de coups jusqu’à en être bleue ». Mais alors que la nature de ces blessures soulevait de graves questions quant à la conduite de la police, cet incident n’avait pas été considéré comme relevant du mandat de l’UES.

71 Dans une note de service datée du 23 février 2007, rédigée pour clore un cas en le déclarant hors du mandat de l’UES, le directeur Cornish a exprimé ses réserves quant à la définition de « blessure grave ». L’incident était survenu alors que des parents, témoins de l’arrestation de leur fils pour bris de probation, s’étaient approchés des policiers. L’un des policiers avait repoussé la mère alors qu’elle tentait d’agripper le bras de son fils, et celle-ci était tombée à terre. Le père avait réagi en parlant sur un ton agressif au policier, qui lui avait alors ordonné de lui montrer ses mains. Le père avait placé ses mains sur le coffre de la voiture de police. Le policier avait saisi le père par le devant de son manteau et l’avait frappé de trois coups de coude, avant de le mettre à terre. Puis il lui avait donné un coup de poing au côté gauche du visage. Le père avait été arrêté pour obstruction. Cet événement avait déclenché toute une série de malheurs pour l’homme blessé. Alors qu’il avait été soigné uniquement pour des coupures et des éraflures à la tête, il avait par la suite souffert de troubles à la fois physiques et psychologiques. De plus, l’incident avait apparemment été le catalyseur de la rupture de son mariage, de la faillite de son entreprise et de la perte de sa maison.(23)

L’Ombudsman Marin avait conséquemment fait la recommandation suivante au gouvernement de l’Ontario afin de venir à bout de l’incertitude entourant le mandat de l’UES en matière de blessure grave :

La législation constitutive de l’Unité des enquêtes spéciales devrait définir ce qu’est une blessure grave et cette définition devrait comprendre les blessures psychologiques graves, toutes les blessures par balle et les lésions graves aux tissus mous. (Recommandation 34) (24)

Dans son second rapport d’enquête sur l’UES, l’Ombudsman Marin signalait la persistance des problèmes entourant le manque de consensus autour de la notion de blessure grave :

36 Alors que nous suivions les progrès réalisés par l’UES dans la mise en œuvre de mes recommandations, Ian Scott, l’actuel directeur de l’UES, nous a avisés qu’après avoir discuté d’un problème de notification avec le Service de police de Barrie, il avait appris que, contrairement à ce que croyait jusqu’alors l’UES, certains services de police continuaient d’appliquer la définition plus restrictive de « blessures graves » de l’OACP [NDR : Association ontarienne des chefs de police] pour décider quand aviser l’UES. Nous avons aussi découvert que la Police provinciale de l’Ontario utilisait une définition condensée de « blessures graves » qui omettait le premier paragraphe de la définition Osler. Alors que les services de police étaient censés aviser l’UES des incidents en fonction d’une même compréhension des « blessures graves » relevant de son mandat, ils appliquaient au moins trois définitions distinctes dans la province, ce qui menait à des divergences dans les pratiques de notification.(25)

L’Ombudsman Marin a donc réitéré la même recommandation qu’il avait formulée dans son premier rapport d’enquête sur l’UES.(26) Malheureusement, le législateur ontarien n’a toujours pas donné suite aux recommandations de l’Ombudsman Marin.

Il existe une seule et unique façon d’éviter que le Bureau ne soit empêtrée dans les mêmes difficultés que ceux vécus par l’UES : le règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau doit mettre de l’avant une définition de blessure grave suffisamment précise et ne donnant pas lieu à toutes sortes d’interprétations divergentes.

En Colombie-Britannique, le texte de loi prévoyant la création du « Independent investigation office » définit un « préjudice grave » (« serious harm ») comme étant une blessure pouvant entraîner la mort, une défiguration grave ou la perte ou la réduction substantielle de la mobilité de l’ensemble du corps ou de la fonction d’un membre ou d’un organe.(27) Cette définition ne va cependant pas suffisamment loin puisqu’elle n’englobe pas les blessures causées par une décharge d’arme à feu, quoique celles-ci aient été incluses dans la liste des incidents nécessitant une notification auprès du « Independent investigation office » énoncés dans le protocole d’entente.(28)

Les carences évidentes de la définition de blessure graves proposée par le projet de règlement sont d’autant plus étonnantes que plusieurs des intervenants, et ce, tant civils que policiers, avaient plaidés en faveur de l’adoption d’une définition précise la notion de blessure grave dans les représentations écrites qu’ils avaient soumis à l’occasion des consultations particulières sur le projet de loi 12.

Ainsi, la Fraternité des policiers et policières de la ville de Montréal (FPPM) avait fait valoir « qu’il sera important de définir adéquatement la notion de blessures graves », notant au passage qu’il y a eu « d’importants inconvénients de l’absence de consensus quant à la définition » de blessure grave en Ontario. La définition proposée par le FPPM dans son mémoire présente toutefois le même désavantage que celle retenue par le législateur de la Colombie-Britannique, en ce sens qu’elle est restrictive au point d’exclure les blessures par balle.

L’Association des directeurs de police du Québec et la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec avaient également tous deux relevés l’imprécision de la notion de blessure grave telle qu’énoncée à l’article 289.1 du projet de loi 12, et suggérés leurs propres définitions, lesquelles nous apparaissent toutefois clairement trop restrictives, encore une fois. 

Du côté des représentants de la société civile, notons que la Protectrice du citoyen a proposé l’adoption d’une définition de la notion de blessure grave englobant les éléments de la définition Osler.

La Ligue des droits et libertés a quant à elle proposé au législateur de s’inspirer de la notion de « voies de fait causant des lésions corporelles » prévue à l’article 267 du Code criminel qui constituent selon la jurisprudence (29) « tout mal ou blessure de nature à nuire à la santé ou au bien-être d’une personne, qui peut cependant ne pas être permanent, mais non éphémère ni futile », tout en incluant les allégations d’agression sexuelle.

De son côté, la Centrale des syndicats nationaux (CSN) s’est dite d’avis qu’il « conviendrait de définir précisément ce qu’on entend par "blessure grave" afin d’éviter les incohérences et l’évaluation discrétionnaire au cas par cas ».

L’Association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale du Québec a pour sa part indiqué que la notion de blessure grave doit être définie sur la base du rapport spécial de la Protectrice du citoyen sur la procédure d’enquête appliquée au Québec lors d’incidents impliquant des policiers, produit en février 2010.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a recommandé que le règlement prévu à l’article 289.4 du projet de loi 12 précise une définition de la notion de « blessure grave ». Fait à souligner, la Commission a cité en note de bas de page un extrait de l’arrêt Smith c. Jones,(30) dans lequel la Cour suprême rappelait notamment ce qui suit :

Il convient de faire remarquer qu’une blessure psychologique grave peut constituer une blessure grave, comme notre Cour l’a décidé dans R. c. McCraw, [1991] 3 R.C.S. 72, à la p. 81 : ʺDans la mesure où la blessure psychologique nuit de manière importante à la santé ou au bien-être du plaignant, elle s’inscrit à juste titre dans le cadre de l’expression "blessures graves". Il n’y a aucun doute qu’une blessure psychologique peut souvent avoir des effets plus pénétrants et permanents qu’une blessure physiqueʺ.

Dans notre mémoire, nous avions quant à nous recommandé au ministre de la Sécurité publique que la notion de blessure grave soit définie de façon claire dans la loi, en incluant un certain nombre d’exemples pour une meilleure compréhension. En ce sens, l’inclusion d’éléments énoncés dans la définition Osler serait utile, comme l’avait d’ailleurs indiqué la Protectrice du citoyen à l’époque.

Nous avions de plus préconisé que les allégations d’agression sexuelle visant des policiers fassent partie du mandat du Bureau, la Cour suprême du Canada ayant par ailleurs statué dans l’affaire R. c. McCraw précitée que les agressions sexuelles constituaient des blessures graves.

D’ailleurs, comme nous l’avons vu précédemment, la problématique des agressions sexuelles est inclues dans la définition Osler. De plus, le législateur de la Nouvelle-Écosse a prévu que les enquêteurs du « Serious Incident Response Team » peuvent enquêter sur les agressions sexuelles,(31) tandis que le site web du mécanisme d’enquête albertain (« Alberta Serious Incident Response Team ») énonce que les allégations d’agressions sexuelles font partie intégrante de son mandat.(32)

2. Un directeur d’un corps de police impliqué doit : 1° prendre les mesures nécessaires pour sécuriser la scène de l’événement et pour s’assurer de la conservation de la preuve et de l’intégrité des lieux jusqu’à l’arrivée des enquêteurs du Bureau;

Cette disposition va de soi.

Cependant, dans le mémoire que nous avions déposé à l’occasion des consultations particulières sur le projet de loi 12, nous avions porté à l’attention du ministre de la Sécurité publique que la responsabilité de protéger la scène d’incident implique aussi de veiller à ce que les rigueurs du climat n’altèrent aucun des éléments de preuve se trouvant sur la scène d’incident.

Nous avions en outre recommandé au ministre de prévoir que les policiers responsables d’une scène d’incident soient tenus de solliciter l’autorisation d’un enquêteur du Bureau avant de déplacer tout élément de preuve se trouvant sur la scène d’incident.

Nous croyons qu’une telle bonification de l’alinéa 1° de l’article 2 du règlement n’aurait rien de superflu puisqu’elle viendrait apporter une précision additionnelle relativement aux attentes du Bureau à l’endroit du corps de police impliqué.

2° prendre les mesures raisonnables pour éviter que les policiers impliqués communiquent entre eux au sujet de l’évènement jusqu’à ce qu’ils aient remis leur compte rendu aux enquêteurs du Bureau et qu’ils les aient rencontrés;

Comme nous l’avons déjà indiqué précédemment, nous sommes d’opinion que l’interdiction de communiquer des informations relativement à l’incident sous enquête devrait également être étendue à tout policier témoin.

3° transmettre au directeur du Bureau l’identité de la personne décédée ou blessée ainsi que la nature de ses blessures, l’identité des personnes présentes lors de l’événement, les paramètres et les limites de la scène de l’événement, les éléments de preuve recueillis afin d’en assurer la conservation ainsi que tout autre renseignement recueilli relatif à l’événement;

4° remettre aux enquêteurs du Bureau tout document en lien avec l’événement.

Un corps de police impliqué est un corps de police dont sont membres ou sous l’autorité de qui agissent, selon le cas, les policiers impliqués dans l’événement ou qui en sont témoins.

3. Le Bureau et tout autre corps de police qui mènent chacun une enquête basée sur des éléments de preuve ou des témoins communs doivent collaborer entre eux.

Toutefois, le Bureau a préséance sur ce corps de police quant aux éléments de preuve, aux témoignages et au contrôle de la scène de l’événement.

Dans le mémoire que nous avions déposé à l’occasion des consultations particulières sur le projet de loi 12, nous avions recommandé au ministre de la Sécurité publique de s’inspirer du règlement ontarien 267/10, lequel prévoit que « l’UES est l’enquêteur en chef dans l’enquête sur l’incident et a préséance sur tout corps de police dans le cadre de l’enquête ».(33)

Nous sommes donc satisfaits de constater que la ministre de la Sécurité publique ait prévu que les enquêtes du Bureau auront effectivement préséance sur les enquêtes menées en parallèle par tout autre corps policiers.

4. Le directeur du Bureau doit informer le directeur du corps de police impliqué lorsqu’un policier impliqué ou témoin ne respecte pas les obligations prévues au présent règlement.

Il doit également, lorsque le directeur du corps de police impliqué ne respecte pas les obligations prévues au présent règlement, en informer le ministre, lorsqu’il s’agit du directeur général de la Sûreté du Québec, ou le conseil municipal, lorsqu’il s’agit du directeur de son corps de police.

Il nous apparait nettement insuffisant de limiter les conséquences d’un manquement de la part d’un policier à une obligation prévue au règlement à une simple communication au directeur du corps de police impliqué. Tout comme il est ne suffit pas de simplement informer la ministre de la Sécurité publique lorsque l’auteur du manquement est directeur général de la Sûreté du Québec, ou encore d’informer le conseil municipal lorsque le policier en défaut est directeur d’un corps de police impliqué au niveau municipal. Surtout que le projet de règlement est totalement muet sur les pouvoirs dont disposeraient la ministre ou le conseil municipal en pareille situation.

Tel que nous l’avions souligné dans le mémoire que nous avions produit à l’occasion des consultations particulières sur le projet de loi 12, il n’est pas suffisant d’énoncer des obligations pour les policiers à l’égard des enquêteurs du Bureau lorsque celles-ci ne sont pas assujetties de conséquences clairement décrites dans un texte de loi ou règlementaire. Si le refus de la part de policiers de se conformer aux obligations de coopérer avec les enquêtes du Bureau reste sans conséquence concrète en matière disciplinaire, déontologique ou pénale, il existe un risque réel que le nouveau mécanisme d’enquête québécois devienne la risée de tous, citoyens et policiers confondus. D’ailleurs, il s’agit-là, selon nous, de l’un des enseignements les plus importants de l’expérience ontarienne en la matière.

En effet, depuis sa mise sur pied, en 1990, l’UES n’a cessé de se heurter au manque de collaboration de la part des policiers ontariens sous les formes les plus diverses : retard dans la notification des incidents à l’UES, incidents n’ayant jamais été signalés à l’UES, refus de répondre aux questions des enquêteurs de l’UES, entrevues avec les policiers témoins retardées, retard dans la remise des notes manuscrites des policiers, policiers non isolés, non-respect de la juridiction de l’UES lors d’enquêtes croisées, scènes d’incidents altérées, apparence de collusion causée par la pratique du double mandat (un même avocat représentant plusieurs policiers concernés par un même incident), etc.

Le législateur de l’Ontario a tenté de remédier au problème de manque de collaboration de la part des policiers concernés par les enquêtes de l’UES en adoptant le règlement 674/98, le 1er janvier 1999. Ainsi, le manquement de la part d’un policier ontarien à une obligation de collaborer à l’UES constitue, dans la plupart des cas, une infraction au Code de conduite prévu par la Loi sur les services policiers.

Or, le législateur ontarien a omis d’accorder à l’UES le pouvoir de porter elle-même une plainte disciplinaire pour ces manquements, de sorte que seuls les chefs de police peuvent intenter des procédures disciplinaires contre les policiers non-coopératifs. Bref, l’UES doit se rabattre sur le bon vouloir des directeurs de corps policiers, ce qui a évidemment non seulement pour effet de miner l’efficacité et la qualité de ses enquêtes, mais affecte aussi considérablement son indépendance à l’égard des corps de police ontariens sur lesquels elle est appelée à faire enquête.

Conséquemment, nous recommandons à la ministre de la Sécurité publique d’amender son projet de règlement de façon à ce qu’il prévoit que les manquements suivants soient considérés comme des infractions disciplinaires passibles du même type de sanctions que celles qui sont énoncées à l’article 234 de la Loi sur la police pour des actes dérogatoires au Code de déontologie des policiers du Québec, soit :

  • le fait pour un policier impliqué dans un incident susceptible de relever du mandat du Bureau, de tarder, sans excuse raisonnable, à aviser son supérieur immédiat de cet incident;
  • le fait pour un policier du corps policier impliqué d’omettre, sans excuse raisonnable, d’informer le Bureau de l’existence d’un incident relevant du mandat de celui-ci;
  • le fait pour un policier responsable d’une scène d’incident d’omettre, sans excuse raisonnable, de protéger adéquatement une scène d’incident relevant de la juridiction du Bureau d’ici l’arrivée des enquêteurs du Bureau;
  • le fait pour un policier responsable d’une scène d’incident d’omettre, sans excuse raisonnable, de solliciter l’autorisation d’un enquêteur du Bureau avant de déplacer un élément de preuve se trouvant sur la scène d’incident;
  • le fait pour un policier d’omettre, sans excuse raisonnable, de ne pas avoir isolé dès que possible les témoins policiers à la suite d’un incident relevant de la juridiction d’un Bureau;
  • le fait pour un policier d’omettre, sans excuse raisonnable, de communiquer sans délai toute information et document aux enquêteurs du Bureau après que ceux-ci en aient fait la demande;
  • le fait pour un policier d’omettre, sans excuse raisonnable, de remettre toutes pièces d’équipement pertinentes à l’enquête sur l’incident aux enquêteurs du Bureau après que ceux-ci en aient fait la demande;
  • le fait pour un policier témoin d’omettre, sans excuse raisonnable, de rencontrer les enquêteurs du Bureau et de répondre à toutes leurs questions dès que ceux-ci en font la demande ;
  • le fait pour un membre d’un corps de police de divulguer aux médias des informations relativement à un incident faisant l’objet d’une enquête du Bureau.

Nous recommandons en outre à la ministre de la Sécurité publique de doter le Bureau du pouvoir d’initier lui-même des procédures disciplinaires à l’encontre d’un policier ou directeur de police ayant contrevenu à une ou plusieurs obligations prévues par le présent règlement.

Question de ne pas répéter les mêmes erreurs qu’en Ontario, nous croyons aussi que la responsabilité de présenter la preuve de l’infraction disciplinaire alléguée ne doit pas échouer aux mains des corps de police impliqués. Autrement dit, le Bureau pourrait assumer la responsabilité de la poursuite pour l’une des infractions disciplinaires mentionnées ci-haut. Cet organisme en devenir serait d’ailleurs le mieux placé pour s’acquitter de cette tâche, compte tenu qu’il a tout intérêt à s’assurer de l’entière collaboration de l’ensemble des policiers dans la réalisation de son mandat. Quant à l’instance chargée de procéder à l’audition de la preuve et de rendre jugement, il pourrait s’agir d’un tribunal administratif ou encore d’une cour ayant juridiction sur les infractions en matière pénale.

Par ailleurs, l’article 289.2 de la Loi sur la police stipule que le directeur du corps de police impliqué doit, sans délai, informer la ministre de la Sécurité publique de tout événement relevant de la juridiction du Bureau. Cette disposition stipule également qu’il doit informer la division des affaires internes de son organisation.

Dans le mémoire que nous avions soumis à l’occasion des consultations particulières sur le projet de loi 12, nous avions recommandé au ministre de la Sécurité publique que le règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau prévoit que tout policier impliqué dans un incident susceptible de relever du mandat du Bureau soit tenu d’aviser sans délai son supérieur immédiat de l’existence d’un incident relevant de la juridiction d’enquête du Bureau.

Malheureusement, le projet de règlement est totalement muet sur les obligations du policier impliqué relativement à la divulgation d’informations sur un événement tombant sous la juridiction d’enquête du Bureau. Cette curieuse faille dans le projet de règlement fera en sorte que les membres du corps policier impliqué auront tout le loisir de retarder impunément la communication d’informations vitales au déclenchement d’une enquête du Bureau, ce qui, de toute évidence, aura pour conséquence de nuire considérablement à l’efficacité des efforts des enquêteurs du Bureau dans leur recherche de la vérité.

D’ailleurs, contrairement au projet de règlement de la ministre de la Sécurité publique, le Mode de fonctionnement 241 du SPVM daté du 5 juillet 2006 prévoit que le policier impliqué doit, parmi ses activités, aviser le superviseur du quartier à la suite d’un incident donnant lieu à une enquête indépendante.(34)

Les remarques formulées par le juge Adams dans son rapport de 1998 quant aux lacunes du S.O.P. (« Standard Operational Procedure »), les directives opérationnelles de l’UES, relativement à l’obligation de notifier celui-ci d’un incident relevant de sa juridiction d’enquête peuvent d’ailleurs s’appliquer au projet de règlement sous sa présente forme :

[TRADUCTION] Le SOP n’est pas suffisamment détaillé. Il nécessite une notification "immédiate" des décès et des blessures graves où des policiers sont impliqués. Cependant, il ne précise pas qui est responsable de notifier, s’il s’agit des policiers impliqués sur la scène, de leur superviseur immédiat, du chef de police ou de son délégué.

En conséquence, les pratiques varient d’un service de police à un autre. Certains requièrent que l’incident soit rapporté par les agents impliqués en haut de la chaîne de commandement. Quand un officier supérieur d’un centre de communications ou, dans certains cas, le chef de police ou la personne qu’il désigne, tel un conseiller juridique, détermine que la compétence de l’UES est en cause, l’appel est alors effectué.

En même temps, d’autres parties sont souvent avisées. Elles peuvent inclure le coroner, d’autres unités du service de police et les représentants des associations de policiers. Ce processus consistant à référer l’incident dans la chaîne de commandement prend du temps et, selon l’UES, a conduit à des retards dans la notification.(35)

« [TRADUCTION] Il n’arrive pas souvent que la notification soit faite d’une manière raisonnablement rapide (par exemple, à l’intérieur de 30 minutes) », écrit le juge Adams, chiffres à l’appui :

[TRADUCTION] Par exemple, l’UES a examiné 44 des cas qu’il a traité en 1997 et 1998 et a constaté qu’en moyenne, le temps écoulé entre le moment où survient l’incident et la notification auprès de l’Unité était de près de six heures. Son examen a révélé que le délai de notification avait tendance à être plus rapide dans les zones métropolitaines comme Toronto (quatre heures) et Ottawa (84 minutes) et pouvait être supérieur à la moyenne dans les régions éloignées, en particulier dans le nord.(36)

Plus encore, dans l’appendice de son premier rapport, le juge Adams a indiqué que le temps moyen écoulé entre le moment où survenait un incident et celui où l’UES en était avisé, en 1997, et jusqu’au moment du dépôt de son rapport, le 14 mai 1998, était de 358.91 minutes. À Toronto, la moyenne s’élevait à 249.15 minutes, contre 84 minutes dans la région d’Ottawa-Carleton et 404.94 minutes dans le reste de l’Ontario.(37)

L’Ombudsman Marin a aussi abordé cette problématique dans son premier rapport d’enquête sur l’UES :

89 Récemment, l’Unité des enquêtes spéciales a analysé 28 incidents de 2006 impliquant le Service de police de Toronto. La fréquence et la longueur des retards de notification des incidents étaient choquantes. Dans seulement deux de ces cas, le Service de police de Toronto avait mis moins d’une heure pour aviser l’UES. Dans sept des cas, il lui avait fallu de trois à six heures pour le faire. Dans cinq des cas, il lui avait fallu de neuf à 14 heures, et dans deux des cas 17 heures. Dans trois des cas, les retards de notification ne s’étaient pas chiffrés en heures mais en jours – avec un retard d’un peu plus de 24 heures, un autre d’un jour et demi, et un troisième de 14 jours.

90 L’UES a également fait ressortir plusieurs cas où divers services de police l’avaient avisée avec retard en 2007. Certains des retards se chiffraient en heures, d’autres étaient de deux à 12 jours, et dans un cas d’agression sexuelle l’UES n’avait pas été avisée avant un mois et demi environ.(38)

Pour l’Ombudsman Marin, la « cause de retard no.1 » des enquêteurs de l’UES sur les lieux d’un incident était la notification par la police. « Quand une notification arrive avec retard, écrit-il, l’intervention se fait également avec retard, et des preuves essentielles peuvent alors avoir disparu. Des policiers peuvent avoir terminé leur quart de service, des témoins civils peuvent ne pas être retrouvés, des preuves peuvent s’être envolées, et l’UES peut devoir s’en remettre au corps de police sur lequel elle enquête non seulement pour conserver mais aussi pour recueillir les preuves ».(39)

À la lecture du second rapport de l’Ombudsman Marin, publié en décembre 2011, la situation au niveau des retards de notification par la police ne semblait avoir guère évolué.

Il existe une façon bien simple d’éviter que les enquêtes du Bureau ne souffrent des mêmes obstacles que celles de l’UES : il suffit que la ministre de la Sécurité publique amende son projet de règlement de façon à créer une obligation chez le policier impliqué ou témoin d’aviser sans délai son supérieur immédiat de l’existence d’un incident relevant de la juridiction d’enquête du Bureau.

Par ailleurs, l’expérience ontarienne nous apprend aussi que l’une des excuses parfois invoquées chez les membres du corps policier impliqué pour tenter justifier un retard dans la notification d’un incident, voire l’absence de notification dans certains cas, est leur méconnaissance de l’étendue du mandat du Bureau.

Pour ces motifs, nous jugeons essentiel que le règlement prévoit une obligation pour le directeur du corps de police impliqué d’informer les membres de son organisation de leurs obligations à l’endroit du Bureau, de même que la nature du mandat de celui-ci, et de prendre les moyens nécessaires pour s’assurer que ces informations ont bien été reçues, comprises et assimilées chez ses subalternes.

Nous sommes aussi d’avis que le règlement devrait prévoir que les aspirants policiers soient informés du mandat du Bureau et des obligations des membres des corps policiers à l’endroit de celui-ci, et ce, dès les cours de Techniques policières dispensés dans les institutions d’enseignement collégiales, de même que durant la formation offerte à l’École nationale de police du Québec.

5. Le directeur du Bureau informe le directeur du corps de police impliqué de l’identité de l’enquêteur principal et lui transmet ses coordonnées.

6. L’enquêteur principal doit, avant de rencontrer un policier qui a pris part à l’événement, l’aviser qu’il est considéré comme un policier impliqué ou un policier témoin et de tout changement de ce statut en cours d’enquête. Il en avise également le directeur du corps de police impliqué.

7. Les enquêteurs du Bureau doivent aviser le directeur du Bureau de toute situation pouvant  potentiellement les placer en conflit d’intérêts et compromettre leur impartialité notamment les liens professionnels, familiaux ou sociaux, présents ou passés, qu’ils entretiennent avec un policier impliqué.

8. Les enquêteurs du Bureau assignés à une enquête doivent rencontrer tous les policiers impliqués dans les 48 heures suivant leur arrivée sur les lieux de l’événement et tous les policiers témoins dans les 24 heures de celle-ci, à moins que le directeur du Bureau n’accorde un délai supplémentaire.

Nous réitérons le même commentaire que nous avons formulé à l’égard de l’alinéa 3o de l’article 1, à savoir que l’obligation prévue à l’article 8 devrait spécifier que le policier impliqué, de même que le policier témoin, devront répondre à toutes les questions que les enquêteurs du bureau leur poseront en lien avec l’incident sous enquête, de même que de leur fournir tout document pertinent à cette même fin.

9. Lorsqu’il communique au public l’état des activités du Bureau, le directeur l’informe notamment :

1° du nombre d’enquêtes en cours;

2° du type d’événement ayant mené à la tenue des enquêtes;

3° du nombre de dossiers transmis au directeur des poursuites criminelles et pénales et, s’il y a lieu, au coroner;

4° du déroulement des enquêtes terminées.

10. Dans la mesure où cela ne nuit pas à l’enquête, le directeur du Bureau informe le public, notamment, du début d’une enquête, de son déroulement et de la transmission du dossier d’enquête au directeur des poursuites criminelles et pénales et, s’il y a lieu, au coroner.

La nature des informations communiquées au public, telles que décrites aux articles 9 et 10 du projet de règlement, va vraisemblablement laisser la population sur son appétit. Par ailleurs, nous sommes également bien loin de nous satisfaire de l’obligation énoncée à l’article 289.22 de la Loi sur la police à l’effet que le Bureau communique au public l'état de ses activités au moins deux fois par année et au plus tard huit mois après sa dernière communication.

Aussi y a-t-il tout lieu de s’inquiéter d’un éventuel déficit de transparence de la part du Bureau à la lumière des propos tenus par la directrice de l’organisme en devenir, Me Madeleine Giauque, lors d’un entretien avec une journaliste de La Presse, plus tôt cette année :

Le secret continuera d'envelopper les raisons qui poussent le BEI à recommander que des accusations soient portées (ou non) contre un policier au terme de son enquête. «Ce n'est pas dans notre mandat. Dans la loi, nous sommes comme un corps de police avec les mêmes obligations de confidentialité. Ce sera au Directeur des poursuites criminelles et pénales [DPCP] d'expliquer ou non les raisons qui le poussent à accuser ou ne pas accuser un policier», indique-t-elle.(41)

Voilà qui, malheureusement, augure plutôt mal pour l’avenir du Bureau. Contrairement à Me Giauque, nous croyons plutôt que le Bureau aura tout intérêt à maximiser la transparence dans sa divulgation d’informations auprès du public. Le lien de confiance même entre le public et le Bureau en dépend. D’ailleurs, en créant le Bureau des enquêtes indépendantes, l’intention du législateur québécois n’était-elle pas, justement, de rehausser le niveau de confiance du public à l’égard des enquêtes criminelles relatives aux incidents durant lesquels un citoyen perd la vie ou subit des blessures graves lors d’une intervention policière ou durant la détention par un corps de police ? Mais si la confiance du public n’est pas au rendez-vous, alors à quoi bon de créer un nouveau mécanisme d’enquête si celui-ci ne fait que nous ramener à la case départ à ce chapitre?

En fait, nous voyons mal ce qui empêcherait le Bureau de mettre en ligne tous ses rapports d’enquête ou, à tout le moins, un résumé exhaustif de celle-ci, sur son site web, une fois l’enquête terminée, puisque de telles pratiques sont actuellement en vigueur en Colombie-Britannique et en Nouvelle-Écosse.

Ainsi, en Colombie-Britannique, le site web de l’« Independent Investigations Office » permet de consulter des rapports résumant de manière détaillée chacune des enquêtes menées par cet organisme,(42) alors qu’en Nouvelle-Écosse, le directeur du « Serious Incident Response Team » est tenu de publier un rapport sur l’enquête qui a été menée, au plus tard trois mois suivant la conclusion de celle-ci.(43)

Si le souci de Me Giauque se situe au niveau de la protection des renseignements personnels, le Bureau n’aura alors qu’à éviter de nommer les personnes impliquées, comme le font d’ailleurs les deux organismes d’enquête ci-haut mentionnés dans les documents mis en ligne sur leurs sites web respectifs.(44)

Quant à la nature des informations communiquées au public, nous estimons que les citoyens devraient être en droit de connaître le nombre de balles tirées lors d’un incident donnant lieu à une enquête du Bureau, de même que le nombre de balles qui ont atteint la personne à laquelle elles étaient destinées, et, le cas échéant, quelles parties de l’anatomie elles ont touchées. Apprendre, par exemple, que la victime a été atteinte d’une balle dans le dos peut faire toute la différence au niveau de l’interprétation que le public peut tirer de l’utilisation de la force mortelle par un policier.

De même, la problématique des balles perdues ne pouvant être prise à la légère, surtout après le décès de monsieur Patrick Limoges lors d’une intervention du SPVM survenue à Montréal, le 7 juin 2010, il devrait aller de soi que le public soit informé du nombre de balles tirées par la police qui n’ont pas atteint leur cible durant l’intervention policière.

De même, le public devrait aussi être informé du nombre de dards délivrant une décharge électrique qui ont été tirés par les pistolets à impulsions électriques, communément appelés « Taser », durant toute intervention policière faisant l’objet d’une enquête du Bureau, et savoir quelles parties de l’anatomie humaine ont été touchées, le cas échéant.

Le Bureau devrait aussi s’assurer que le public soit informé du degré de collaboration des policiers dont la conduite fait l’objet d’une enquête. Par exemple, le public devrait être en droit de savoir si les policiers concernés ont répondu à toutes les questions des enquêteurs du Bureau et fourni toute l’information requise pour les fins de son enquête. C’est en démontrant, preuve à l’appui, son efficacité à obtenir la collaboration des policiers sous enquête que le Bureau saura se mériter la confiance du public, et non pas en misant sur une invraisemblable confiance aveugle de la part d’une population tenue dans l’ignorance par un manque de transparence qui n’a plus sa place en cette ère où l’information circule à haute vitesse.

Nous sommes aussi d’avis que la ministre de la Sécurité publique devrait amender son projet de règlement de façon à interdire aux corps policiers et à leurs membres de diffuser de l’information auprès du public sur les incidents faisant l’objet d’une enquête du Bureau, comme le veut la pratique en vigueur en Ontario depuis 1992,(45) et tel que l’énonce le protocole d’entente mis en place en Colombie-Britannique.(46)

Il est d’autant plus étonnant que le projet de règlement n’énonce aucune restriction quant aux informations que peuvent communiquer publiquement le corps de police impliqué que le Guide de pratiques policières prévoit actuellement des restrictions significatives aux informations que le corps policier impliqué peut communiquer au public. Le Guide de pratiques policières stipule en effet que le corps policier impliqué se doit « d’assurer la liaison avec les médias en se tenant strictement aux faits, sans commenter la responsabilité des policiers impliqués, et les réfèrent, pour toute autre information au service de police désigné chargé de l’enquête ».(47)

Il existe d’ailleurs de bonnes raisons pour imposer de telles restrictions aux communications publiques du corps de police impliqué. Comme nous l’avions relevé dans le mémoire que nous avions soumis à l’occasion des consultations particulières sur le projet de loi 12, la Commission d'enquête chargée de faire enquête sur la Sûreté du Québec – mieux connue sous le nom de commission Poitras – avait manifesté son inquiétude relativement aux pratiques d’interventions médiatiques du corps de police impliqué dans un événements faisant l’objet d’une enquête policière menée en vertu de ce que l’on appelait alors la politique ministérielle.(48)

Nous invitons donc la ministre de la Sécurité publique à remédier à cet oubli en s’inspirant du Guide de pratiques policières et des pratiques en vigueur en Ontario et en Colombie-Britannique.

11. Le directeur du Bureau assure la communication avec les membres de la famille d’une personne décédée, blessée gravement ou blessée par une arme à feu utilisée par un policier lors d’une intervention policière ou d’une détention par un corps de police. Le directeur leur communique toute information pertinente relative au processus d’enquête indépendante dans la mesure où cela ne nuit pas à l’enquête.

Nous estimons primordial que les membres de la famille d’une personne victime d’un incident ayant donné lieu à l’ouverture d’une enquête du Bureau ne soit pas oubliés dans tout le processus.

Au-delà de la transmission d’informations, nous réitérons cependant notre souhait à l’effet que la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels soit amendée afin que les victimes d’incidents relevant de la juridiction du Bureau et leurs proches bénéficient des droits reconnus aux victimes d’actes criminels, comme nous l’avions préconisé dans le mémoire que nous avions déposé à l’occasion des consultations particulières sur le projet de loi 12.

12. Le directeur du Bureau, lorsqu’il requiert des services de soutien à un directeur de corps de police fournissant des services de niveau 4 ou supérieur, indique dans quel délai il les requiert et pour quelle durée.

Lorsque le directeur du corps de police visé au premier alinéa n’est pas en mesure de fournir les services de soutien requis dans le délai demandé, il en avise le directeur du Bureau et précise dans quel délai il pourra le faire.

Dans le mémoire que nous avions déposé lors des consultations particulières sur le projet de loi 12, nous avions soulevé de sérieuses réserves relativement à l’article 289.20 de la Loi sur la police , qui prévoit que « le directeur de tout corps de police fournissant des services de niveau 4 ou supérieur doit mettre à la disposition du Bureau les services de soutien ainsi que les policiers requis par le directeur du Bureau ou par tout membre du Bureau qu'il désigne ». Nous nous étions élevés contre le fait que l’article 289.20 de la Loi sur la police risque d’avoir pour conséquence que le Bureau se retrouve carrément à la remorque des ressources des corps policiers, ce qui ne manquera certainement pas de poser un grave problème au niveau de son indépendance.

Nos craintes concernant l’insuffisance des ressources n’ont fait que se confirmer lorsque Radio-Canada a révélé, en avril dernier, que le Bureau disposera d’un budget annuel de 3.2 millions de dollars et comptera 26 employés permanents, dont 18 enquêteurs, et un contractuel, lorsqu’il entrera en fonction.(49)

Or, si l’on se fie aux données sur les effectifs policiers québécois disponibles sur le site web du ministère de la Sécurité publique, qui faisait état d’un total de 15 177 policiers pour la grandeur du Québec, en 2013,(50) cela signifie que le Bureau disposera environ un enquêteur pour chaque tranche de 843 policiers ce qui, de toute évidence, est insuffisant. Devant un tel déséquilibre, nul besoin de s’improviser prophète de malheur pour prédire que le Bureau risque de ne pas faire le poids face aux ressources considérables dont jouissent la plupart des corps de police qui feront l’objet de ses enquêtes.

À titre de comparaison, l’« Independent Investigations Office » de Colombie-Britannique a été dotée d’un budget de 10.1 millions de dollars sur trois ans et d’un personnel de 60 employés dès sa mise sur pied, en 2012, et ce, alors que cet organisme n’a juridiction que sur les incidents graves impliquant des membres des corps policiers de onze municipalités où vit une population totalisant moins de 2 millions de personnes, ce qui représente quatre fois moins que la totalité de la population québécoise.(51)

Il ne suffit pas, selon nous, de qualifier « d’indépendantes » dans un texte de loi les enquêtes menées par un organisme public, encore faut-il que cette indépendance par rapport aux corps policiers impliqués puisse se vérifier dans les faits, en particulier dans le déroulement des enquêtes en elles-mêmes. D’ailleurs, l’expérience ontarienne est, encore une fois, fort instructive à ce propos.

Dans son premier rapport de 1998, le juge Adams s’est attardé à décrire les conséquences du manque de ressources de l’UES en faisant les observations suivantes :

[TRADUCTION] Un problème important et primordial reste le manque de ressources. Ce facteur entrave l’UES à chaque étape, y compris la vitesse avec laquelle elle arrive sur des scènes d’incidents, sa capacité à exercer un contrôle sur la scène d’incident et sa capacité à rassembler des preuves sans l’aide de la police. Le problème porte atteinte à l’image de professionnalisme de l’UES aux yeux de la police qui sont confrontés, dans de nombreux cas, à une enquête criminelle qui pourrait se traduire par le fait que des agents soient inculpés des infractions les plus graves du Code criminel.

Quelle que soit la quantité de temps qu’il faut pour aviser l’UES d’un incident, celle-ci est rarement en mesure d’arriver sur la scène avec la vitesse et le nombre [d’enquêteurs] auxquels l’on pourrait s’attendre de la part d’un service de police. […]

L’Unité a expliqué qu’il y avait un certain nombre de raisons à cela. Pour commencer, il s’agit d’une unité relativement petite avec une juridiction sur une très grande province. L’Unité dispose au total de 37 employés à plein temps et à temps partiel, ce qui inclut à la fois le personnel d’enquêtes et administratif. Il y a actuellement trois enquêteurs à temps plein, un directeur, un chef des services d’enquête et deux superviseurs d’enquête. Il y a dix-huit enquêteurs à temps partiel, essentiellement des personnes dispersées dans toute la province qui sont sur appel. Il y a aussi un enquêteur médico-légal à plein temps, et trois enquêteurs médico-légaux à temps partiel.

La taille limitée de l’Unité, la gamme de sa compétence géographique et le fait que des équipes d’enquêteurs peuvent être nécessaires pour procéder à plusieurs enquêtes en même temps font tous obstacles à la capacité de l’UES à réagir immédiatement. […]

Alors qu’un service de police peut envoyer 10 ou 15 enquêteurs ou plus sur une scène, l’UES en envoie un, deux, ou plus récemment, trois. Ce type de réponse n’inspire pas confiance aux policiers et a aussi pour conséquence que l’UES ne mène pas sa propre enquête.(52)

[…]

L’insuffisance des ressources, cependant, est considérée comme un thème envahissant les trois questions de la consultation. La notification en temps opportun n’a plus aucune importance si l’UES prend des heures pour se rendre à un incident ou si, une fois là-bas, s’attend à ce que tout le monde suspende ses activités pendant que deux ou trois enquêteurs de l’UES entreprennent un travail qui devrait être assigné à dix enquêteurs. Des questions telles que la ségrégation des policiers impliqués sont académiques lorsque les enquêteurs de l’UES sont dans l’impossibilité de s’entretenir avec les agents impliqués dans les heures suivant un incident. Un contrôle efficace des lieux de l’incident nécessite un nombre suffisant de personnel qualifié. Le manque de ressources de l’UES sape la confiance des policiers et leur coopération.(53)

Après une première décennie de vaches maigres, les enquêteurs médicaux-légaux de l’UES disposent maintenant de leurs propres laboratoires.

Nous exhortons, une fois de plus, la ministre de la Sécurité publique à tirer avantage des leçons de l’expérience ontarienne pour éviter que le Bureau ne se retrouve dans la même fâcheuse position que l’UES. Si le gouvernement du Québec est sincère dans sa volonté de mettre sur pied un mécanisme d’enquête indépendant, pas seulement en paroles, mais aussi en actes, il n’a d’autre choix que de consacrer des ressources correspondant aux attentes soulevées dans la population par l’ampleur de sa mission, en s’inspirant de l’expérience de la Colombie-Britannique en la matière.

13. Le membre ou employé d’un corps de police requis pour fournir des services de soutien et le policier requis par le directeur du Bureau ou par tout membre du Bureau qu’il désigne demeurent en tout temps membres de leur corps de police.

Malheureusement, le projet de règlement ne prévoit aucun pouvoir pour vérifier toute possibilité de conflits d’intérêts chez les policiers qui seront « prêtés » au Bureau, ce qui ouvre ainsi la porte à une multitude conflits d’intérêts. Qu’arrivera-t-il lorsque le policier « prêté » au Bureau travaillera  sous les ordres d’un policier faisant l’objet d’une enquête du Bureau ? Ou encore lorsque ce même policier aura pour amant, partenaires de golf, de pèche, de boisson ou de soirées de poker un policier sous enquête ? Bref, comment le Bureau pourra-t-il vérifier à quelle enseigne loge la loyauté du policier « prêté » si le projet de règlement se montre muet sur cette question ?

Selon nous, la meilleure façon d’éviter ce type de situation susceptible de porter gravement atteinte à la crédibilité des enquêtes du Bureau aux yeux du public, c’est de s’assurer que le Bureau des enquêtes indépendantes soit réellement indépendant des corps policiers québécois.

Conclusion

Le présent projet de règlement souffre d’importantes lacunes qui risquent sérieusement de miner l’efficacité des enquêtes du Bureau, de même que la confiance du public envers le nouveau mécanisme d’enquête. En fait, nous irions même jusqu’à dire que la population serait dans son plein droit de ne pas accorder sa confiance à un mécanisme d’enquête présentant un nombre aussi inquiétant de déficiences. Heureusement, il n’est pas trop tard pour remédier à ces nombreuses carences. Aussi, souhaitons-nous ardemment que les présents commentaires sauront contribuer à aider la ministre de la Sécurité publique à apporter les modifications qui s’imposent au projet de règlement afin que la population québécoise bénéficie d’un nouveau mécanisme d’enquête efficace, indépendant et impartial auquel elle a entièrement droit.

 

Sources :

  1. Consultations particulières sur le projet de loi n° 12 - Loi modifiant la Loi sur la police concernant les enquêtes indépendantes, Mémoire de la Coalition contre la répression et les abus policiers, Commission des institutions de l’Assemblée nationale du Québec, Alexandre Popovic, 9 mars 2013, CI – 011M, C.P. – P.L. 12, Loi sur la police.
  2. MF 241, « Intervention particulière – Application de la politique ministérielle suite à une intervention policière au cours de laquelle survient une des situations suivantes : blessure pouvant entraîner la mort d’une personne ; décès d’une personne ; blessures par balles causées par une arme à feu », 2006-07-05, p. 2 de 17.
  3. [2013] 3 S.C.R. 1053.
  4. Article 9, Règlement de l'Ontario 267/10, « Conduite et obligations des agents de police en ce qui concerne les enquêtes de l’Unité des enquêtes spéciales ».
  5. Section 6, Serious Incident Response Team Regulations, NS Reg 89/2012.
  6. Si ce protocole d'entente n’a pas force de loi, il importe de noter qu’il a été rédigé avec la contribution d’officiers haut-gradés des corps policiers ayant juridiction dans la province, incluant la Gendarmerie royale du Canada, et avec la participation des associations de policiers des représentants du personnel, tel qu’indiqué sur le site web du « Independent investigation office » : http://iiobc.ca/mandate/
  7. Section 17, REVISED Memorandum of Understanding (MOU) respecting investigations dated for reference, February 12, 2013.
  8. Id., Section 17.3.
  9. Op. cit., Article 8(1).
  10.  Op. cit., Section 7.
  11.  Op. cit., Sections 18, 19.
  12.  Rapport d'étude sur les réformes de l'Unité des enquêtes spéciales rédigé à l'intention du procureur général de l'Ontario par l'honorable George W. Adams, c.r. (2003), p. 54-56.
  13.  Article 6, alinéa 5o.
  14.  L.R.O. 1990, chap. P.15.
  15.  Op. cit., Adams (2003), p. 40-41.
  16.  Id., p. 38.
  17.  Toronto Star, “Fantino calls for revamp in way SIU probes police”, John Duncanson, May 7 1999.
  18.  Idem.
  19.  Toronto Star, “Fantino tries to change rules on SIU probes”, John Duncanson, November 7 2000, p. A1.
  20.  The Toronto Star, “Police board tells chief he can't alter SIU rules”, John Duncanson, November 24 2000. p. A3.
  21.  Op. cit., Adams (2003), p. 46.
  22.  WORTLEY Scot, “Police Use of Force in Ontario: An Examination of Data from the Special Investigations Unit
  23.  MARIN André, « Une surveillance imperceptible », Enquête sur l’efficacité et la crédibilité des opérations de l’Unité des enquêtes spéciales, Ombudsman de l’Ontario (2008), p. 20-21.
  24.  Id., p. 23.
  25.  MARIN André, « Le sabordage de la surveillance », Enquête sur l’application des recommandations concernant la réforme de l’Unité des enquêtes spéciales par le ministère du Procureur général, Ombudsman de l’Ontario, Décembre 2011, p. 10.
  26.  Id., p. 60.
  27.  Police Act, RSBC 1996, c367, Section 76.
  28.  Op. cit., Section 3.1(b).
  29.  Dans Deshaies c. R. [1975] C.A. 530, la Cour d'appel du Québec endossait les propos formulés par le juge de première instance, lequel avait défini les lésions corporelles comme étant « tout mal ou toute blessure de nature à nuire à la santé ou au bien-être d'une personne, qui peut, cependant, n'être pas permanent, mais non éphémère ni futile ». Notons aussi la définition retenue dans l’affaire R c. Maloney (1976), 28 C.C.C. (2d) 323 (Ont. Co. Ct.), soit: "The bodily harm envisaged by this section is a hurt or injury to the victim which interferes with his health or comfort and although it need not be permanent the hurt or injury must be more than merely transient and trifling in nature".
  30.  [1999] 1 R.C.S. 455.
  31.  Police Act 2010, c. 68, Section 2 (l).
  32.  https://solgps.alberta.ca/asirt/what-we-do/Pages/definitions.aspx
  33.  Op. cit., article 5.
  34.  Op. cit., MF 241, p. 2 de 17.
  35.  Consultation report of the Honourable Georges W. Adams, Q.C., to Attorney General and Solicitor General Concerning Police Cooperation with the Special Investigations Unit (1998), p. 22-23.
  36.  Id., p. 23.
  37.  Id., Appendix X.
  38.  Op. cit., Marin (2008), p. 27.
  39.  Id., p. 24.
  40.  Op. cit., Marin (2011), p. 12-13.
  41.  La Presse, « La lutte aux ripoux fera aussi partie du mandat du Bureau des enquêtes indépendantes », Caroline Touzin, Publié le 18 février 2015 à 07h13 | Mis à jour à 07h13.
  42.  http://iiobc.ca/publications/
  43.  http://sirt.novascotia.ca/publications
  44.  Veillez cependant noter que nous sommes d’avis que l’identité d’un policier impliqué dans un incident grave ayant donné lieu au déclenchement d’une enquête du Bureau est un renseignement personnel à caractère public.
  45.  L’article 13 des procédures opérationnelles (« Standard Operational Procedure ») de l’UES prévoit ce qui suit : « Au-delà de déclarer que l’Unité est en charge, un service de police impliqué ne doit pas diffuser de l’information publiquement sur une enquête en cours menée par l’Unité ».
  46.  Op. cit., Section 6.
  47.  Guide de pratiques policières, 2.3.12 Décès à l’occasion d’une intervention policière ou durant la détention, D.1 d).
  48.  POITRAS Lawrence A., « Pour une police au service de l'intégrité et de la justice - Rapport de la Commission d'enquête chargée de faire enquête sur la Sûreté du Québec - Commission d'enquête chargée de faire enquête sur la Sûreté du Québec », 1999, Ministère du Conseil exécutif, p. 1273.
  49.  Radio-Canada, « Le Bureau des enquêtes indépendantes à la recherche d'enquêteurs », Isabelle Richer, Mise à jour le lundi 13 avril 2015 à 13 h 51 HAE.
  50.  http://www.securitepublique.gouv.qc.ca/police/publications-et-statistiques/activites-policieres/2013/le-personnel/leffectif-autorise.html
  51.  The Times - Colonist, “'We have to walk before we can run'’, Katie Derosa, May 2 2012, p. A3.
  52.  Op. cit., Adams (1998), p. 24-25.
  53.  Id., p. 83.