Rapport Villanueva : ce que le coroner ne dit pas

Rappelons que la décision de tenir une enquête publique sur les causes et circonstances du décès de Fredy Villanueva a été annoncée par le ministre de la Sécurité publique de l’époque, Jacques Dupuis, le 1er décembre 2008, lors de cette même conférence de presse où le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a déclaré qu’aucune accusation criminelle n’a été retenue contre l’agent Jean-Loup Lapointe, matricule 3776.

Jacques Dupuis, un ancien procureur de la couronne, a alors expliqué que l’enquête publique visait à « rassurer la population sur le bien-fondé de la décision qui a été prise par le procureur de la Couronne » dans cette affaire.[1]

Dans cette logique, quoi de mieux qu’un autre ancien procureur de la couronne pour présider l’enquête publique, à titre de coroner ad hoc ?

C’est ainsi que l’enquête publique a été confiée à Robert Sansfaçon, qui a été procureur de la couronne dans la région de Québec avant d’être nommé juge à la Cour du Québec durant les années ’80.

Lorsque le juge Sansfaçon a renoncé à présider l’enquête publique, en septembre 2009, le ministre Dupuis a alors choisi un autre ancien procureur de la couronne pour le remplacer.

André Perreault, le successeur du juge Sansfaçon, a en effet été procureur-chef adjoint à la Cour municipale de Montréal pendant neuf années, durant les années ’90, où il représentait les intérêts de la Ville de Montréal.[2]

Vers la même époque, André Perreault enseignait aussi dans plusieurs institutions, notamment à l’Institut de police de Nicolet, l’École de formation de la police de la Communauté urbaine de Montréal de même qu’au Collège canadien de police, à Ottawa.[3]

André Perreault, qui a aussi siégé sur la Commission Poitras de 1996 à 1998, a ensuite représenté la couronne à la Cour fédérale, avant d’être nommé juge à la Cour du Québec, en 2003.[4]

Cinq ans plus tard…

Il aura donc fallu cinq ans pour que le rapport du coroner Perreault soit déposé, ce qui est d’autant plus remarquable quand on sait que la Loi sur la recherche des causes et circonstances des décès prévoit que le coroner doit remettre son rapport avec diligence.

Évidemment, la responsabilité de cet épouvantable retard ne revient pas au coroner – comme on le sait, la Ville de Montréal a causé la paralysie de l’enquête publique pendant plus de deux années en contestant une décision du coroner devant la Cour supérieure du Québec.

Il n’en demeure pas moins que, cinq ans plus tard, nombre de citoyens ont eu amplement le temps de se lasser de cette enquête publique qui n’en finissait plus de finir.

Ainsi, quand le coroner écrit que Fredy Villanueva « mérite, quant à lui, que sa mémoire ne soit pas associée à celle d'un voyou tombant sous les balles d'un policier » (p. 131), il y a malheureusement lieu de se demander s’il ne s’agit pas là d’un vœu pieu.

Car de nombreux citoyens n’ont pas attendu le rapport du coroner avant de se faire leur propre idée sur Fredy Villanueva ainsi que sur l’intervention policière qui a lui a couté la vie à Montréal-Nord, le 9 août 2008.

En cinq ans, le sentiment « anti-Villanueva » a eu tout le temps de prendre racine au sein d’une bonne partie de l’opinion publique québécoise, conditionnée qu’elle l’est par des médias qui ne manquent jamais une occasion de parler des démêlés judiciaires d’un Dany Villanueva aussi médiatisé que les plus puissants hommes politiques ou les grandes stars du show business.

« Dans l’opinion publique, l’affaire en était une classée depuis longtemps, a d’ailleurs écrit Rima Elkouri dans La Presse. On avait d’un côté des jeunes voyous qui devaient payer pour leurs erreurs. De l’autre, de bons policiers qui ne faisaient que leur travail ».[5]

« Justice delayed is justice denied », comme disent si bien les anglophones.

Dans le cas de Fredy Villanueva, le trop long délai entourant le dépôt du rapport du coroner constitue un flagrant déni de justice à l’égard de sa mémoire.

Une fausse accusation

Comme on le sait, le motif de l’intervention policière qui a couté la vie à Fredy Villanueva était une partie de dés à l’argent, ce qui constitue une infraction pénale passible d’une amende de 50 $ (pour une première infraction) en vertu d’un règlement municipal de l’arrondissement de Montréal-Nord.

Fait à souligner, le coroner se dit d’avis dans son rapport que Dany Villanueva ne jouait plus aux dés au moment de l’arrivée de l’auto patrouille transportant les agents Jean-Loup Lapointe et Stéphanie Pilotte (p. 124).

Le coroner écrit de plus ceci :

Rappelons également que personne n'a prétendu que Dany Villanueva jouait aux dés au moment de l'arrivée des deux policiers. C'est seulement l'agent Lapointe qui a inféré que tous jouaient aux dés sans pouvoir affirmer qu'il avait vu quiconque en particulier le faire (p. 100).

Ainsi, lorsque l’agent Lapointe a pointé du doigt Dany Villanueva en disant qu’il l’avait vu jouer aux dés, il s’agissait là une accusation parfaitement dénuée de fondement.

À ce moment-là, Dany Villanueva n’était-il pas en droit de se sentir contrarié par cette accusation aussi fausse que gratuite de la part du policier ?

Chose certaine, Dany Villanueva n’a pas caché pas son mécontentement. « Il crie et agite les bras et les mains », écrit le coroner (p. 125).

Comme Dany Villanueva l’a lui-même reconnu durant son témoignage à l’enquête du coroner, le ton de sa voix a monté lorsqu’il s’est adressé au policier Lapointe pour protester de son innocence.

Voici ce qu’écrit le coroner au sujet de cette partie de l’incident :

L'agent Lapointe fait à Dany Villanueva un signe du bras l'invitant à se diriger vers l'avant du véhicule. Dany Villanueva reconnaît qu'il a alors les mains dans les airs, mais il affirme que ses coudes sont collés contre son corps. Il nie que ses bras étaient allongés en direction de l’agent Lapointe. Il prétend avoir voulu simplement indiquer par ce geste qu'il n'avait rien fait. Il nie avoir démontré ainsi de l'agressivité. C'est aussi l'interprétation de Madame C. des gestes des mains que fait Dany Villanueva à ce moment-là (p. 39).

Même en supposant que Dany Villanueva ait fait preuve d’agressivité – verbale, on s’entend – une question demeure, juridique celle-là : les policiers ont-ils le droit de procéder à l’arrestation d’un individu sur la simple base qu’ils estiment que le comportement de celui-ci est agressif ?

À cette question, qui n’a malheureusement pas été posée par le coroner dans son rapport, la jurisprudence en droit canadien répond par la négative.

« (TRADUCTION) Tout ce que nous savons, c'est que l'accusé est devenu belliqueux, qu'il était bruyant et peu coopératif. Qu'il hurlait ou criait et agitait ses bras. Ce n'est certainement pas suffisant pour justifier d'être mis en état d'arrestation avec toutes les restrictions accessoires qui découlent de l'arrestation elle-même », écrit le juge Fleury de la Cour supérieure de l’Ontario.

« (TRADUCTION) Je constate qu’à ce moment-là que M. Bray était tout à fait dans son droit d'être en colère, bruyant et inflexible. Je ne connais pas de loi empêchant une personne dans cette situation de réagir de cette façon aux demandes légitimes de la police », écrit le juge Rutherford également de la Cour supérieure de l’Ontario.

Voies de fait illégal

Il est important de souligner que c’est l’agent Lapointe qui prend l’initiative de recourir à la force à l’endroit de Dany Villanueva, en empoignant ce dernier par le bras  gauche.

À ce sujet, le coroner revient sur le témoignage de l’agent Lapointe en écrivant que ce dernier « explique ne pas avoir eu l'occasion de lui demander de s'arrêter de marcher vers lui et de rester sur place » (p. 39).

Quelle excuse lamentable de la part du policier Lapointe que de prétendre « ne pas avoir eu l’occasion » de demander à Dany Villanueva de s’arrêter alors que celui-ci ne faisait que s’avancer vers le policier, comme celui-ci le lui avait d’ailleurs ordonné tel qu’indiqué ci-haut !

Le gros bon sens nous dicte pourtant que si le policier était capable d’agripper Dany Villanueva par le bras, alors il était tout autant en mesure de lever son bras, en ouvrant la main, la paume vers l’avant tout en tendant le bras, et de dire « stop! », un geste d’une simplicité enfantine qui aurait pris une fraction de seconde à exécuter.

Par ailleurs, il convient aussi de souligner que Dany Villanueva est encore en train de marcher en direction de l’agent Lapointe au moment où celui-ci l’agrippe par le bras.

C’est donc dire que l’agent Lapointe n’a laissé aucune place au dialogue, préférant privilégier le recours à la force physique pour mettre un terme aux protestations verbales de Dany Villanueva.

Le choix de l’agent Lapointe est d’autant plus condamnable que le Guide de pratiques policières stipule que « le policier privilégie la communication et la négociation à l’usage de la force lorsqu’il effectue l’arrestation d’une personne » (Section « Opérations », 2.1.1 Usage de la force). Le coroner fait lui-même mention du Guide dans son rapport (p. 114), mais pas dans le contexte de la narration des faits, de sorte que rien ne permet de penser qu’il adresse un reproche à l’agent Lapointe à cet effet.

De plus, le droit canadien prévoit qu’un citoyen est en droit de fournir une explication à un policier désireux de l’arrêter (R. v. Long, [1970] 1 C.C.C. 313; R. c. El Gharbi [2007], No 104-124-813; R. c. Burke [2009], 63 CR (6e) 277), comme l’on d’ailleurs plaidé les avocats représentant les victimes à l’enquête du coroner.

Nous ne pouvons donc faire autrement que d’être d’accord avec le coroner lorsqu’il écrit que « le contact physique initié par l'agent Lapointe paraît précipité » (p. 129).

Cela est d’autant plus vrai que le coroner ne retient pas l’explication plutôt douteuse du policier Lapointe à l’effet qu’il croyait que Dany Villanueva était sur le point de le frapper. Le coroner écrit en effet ceci :

Il précise que son but est alors de connaître son identité et de l'empêcher de le frapper, mais je suis plus enclin à croire, de la même façon que madame C. qui observe la scène, que les gestes de Dany Villanueva sont plutôt une façon pour lui d'exprimer qu'il estime n'avoir rien fait (p. 125).

Arrestation illégale et résistance légitime

Dans son rapport, le coroner écrit ceci :

L’agent Lapointe se dirige vers la droite pour pivoter et amener Dany Villanueva vers l’avant du véhicule de police pour procéder à son arrestation, puisqu'il refuse clairement de donner son identité. Il ne le fait pas en vertu de son pouvoir d'arrestation en vertu du Code criminel, mais plutôt de celui découlant du refus de donner son identité en matière pénale provinciale. (p. 40)

Le coroner fait ici allusion à l’article 74 du Code de procédure pénale, qui permet à un policier d’arrêter sans mandat la personne informée de l'infraction alléguée contre elle et qui ne lui déclare pas ou refuse de lui déclarer ses nom et adresse lorsque le policier lui en fait la demande ou qui ne lui fournit pas les renseignements permettant d'en confirmer l'exactitude.

Notons que l’agent Lapointe n’a jamais invoqué cette disposition du Code de procédure pénale, ni le code lui-même, dans son rapport, lui qui a pourtant pris un mois à le rédiger.

En fait, ce que le coroner ne dit pas dans son rapport, c’est que l’agent Lapointe a attendu jusqu’à l’audience du 29 mars 2010, soit à la dernière journée de son témoignage, qui a nécessité un total de 11 journées d’audition, pour mentionner pour la première fois que son motif d’arrestation s’appuyait sur le Code de procédure pénale :

(…) lorsque je tente de l’identifier pour le règlement municipal, de son comportement et là je tente ensuite, je vais vouloir procéder à son arrestation selon le Code de procédure pénale, pour l’identifier.

Pour notre part, le fait que l’agent Lapointe ait tardé si longtemps avant d’invoquer ce livre de loi jette à lui seul un sérieux doute quant à sa version des faits qui, à vrai dire, semble avoir été fabriquée de toute pièce.

Le doute est d’autant plus de mise que la policière Stéphanie Pilotte n’a non seulement jamais affirmé durant ses quatre journées de témoignage que Dany Villanueva avait refusé de s’identifier, mais a de plus déclaré que l’agent Lapointe a procédé à une arrestation de « nature sécuritaire ».

Notons que le Code criminel, pas plus que le Code de procédure pénale, n’accorde aux policiers le pouvoir de procéder à une arrestation de « nature sécuritaire ».

Le coroner n’y va pas par quatre chemins pour condamner la résistance de Dany Villanueva à l’usage de la force policière :

L'escalade de force à laquelle ont ensuite eu recours les policiers est légitimée en grande partie par la résistance inopportune constamment à la hausse de la part de Dany Villanueva. Il avait décidé de ne pas collaborer, de résister. Il recherchait l'affrontement. C'était tout à fait téméraire de sa part (p. 129).

Ce que le coroner ne dit pas, c’est que le droit canadien permet à tout citoyen de résister physiquement dans le cas d’une arrestation illégale (voir notamment La Reine c. Biron, [1976] 2 RCS 56).

Pour notre part, nous nous rallions sans réserve aux propos tenus par François Van Houtte, ex-policier de la GRC et témoin expert en usage de la force entendu durant l’enquête du coroner, lorsqu’il déclare ceci :

Une chose que j’ai comprise il y a longtemps et que je faisais comprendre à tous les policiers à qui j’enseignais, c’est que s’il n’y a pas de légalité d’arrestation, bien il n’y aucune force qui peut être employée.

La « vulnérabilité » de l’agent Lapointe

La décision de l’agent Lapointe de procéder à une amenée au sol avec Dany Villanueva constitue selon toute vraisemblance l’un des principaux points tournants de l’intervention policière désastreuse du 9 août 2008.

Le coroner décrit la manœuvre de la façon suivante dans son rapport :

L'agent Lapointe sent l'urgence d'exercer un meilleur contrôle physique sur Dany Villanueva. Il décide de lui appliquer une technique d'amenée au sol en entourant son cou et en le fauchant pour tenter de le faire tomber au sol sur le ventre et ainsi pouvoir le menotter derrière le dos.

Cela ne réussit que partiellement parce que Dany Villanueva tombe plutôt lourdement sur le dos, le côté gauche de l'agent Lapointe appuyé sur lui, ce qui laisse l'étui et l'arme à feu du policier complètement dégagés (p. 126).

Non seulement l’agent Lapointe échoue-t-il à atteindre l’objectif qu’il poursuivait par son amenée au sol, mais il se met de plus dans une position vulnérable par rapport aux autres personnes demeurant debout pour observer la scène à proximité, comme on peut le lire dans le résumé que fait le coroner du témoignage de Bruno Poulin, instructeur en emploi de la force à l’École nationale de police du Québec et témoin expert entendu à l’enquête du coroner :

L'amenée au sol est une technique très efficace pour maîtriser quelqu'un. Par contre, le policier devient vulnérable si des personnes demeurées à l'écart décident de s'approcher rapidement pour attaquer le policier (p. 111).

Et le coroner d’ajouter plus loin :

Ne voyant plus sa partenaire qu'il sait se faire frapper, ne pouvant retraiter, se sentant à la merci des individus qui s'avancent vers lui malgré les ordres de reculer, l'agent Lapointe craint pour sa vie et celle de sa partenaire. Il décide de faire feu (p. 127).

Mais si l’agent Lapointe ne voit plus sa partenaire, s’il ne peut plus battre en retraite, s’il se sent à la merci d’individus qui sont debout, il n’a pourtant que lui-même à blâmer car c’était bien son choix d’aller au sol pour « régler le compte » de Dany Villanueva.

Fait troublant, bien que l’agent Lapointe soit allé jusqu’à parler d’une position « d’extrême vulnérabilité » dans son rapport pour décrire sa situation, il a pourtant vanté durant son témoignage sa décision de procéder à une amenée au sol :

Mon amenée au sol était une technique très judicieuse pour contrôler rapidement l’individu.

L’agent Lapointe, qui ne fait définitivement pas dans la fausse modestie, qualifie donc de « judicieuse » la technique qu’il a lui-même choisi d’utiliser et qui a eu pour conséquence de le mettre, selon lui, dans une position « d’extrême vulnérabilité », situation qu’il invoque opportunément pour justifier sa décision de faire feu sur trois jeunes hommes.

Malheureusement, le coroner ne relève pas cette incohérence remarquable dans son rapport.

Une balle utile ?

De tous les témoins présents sur les lieux du drame, l’agent Lapointe est le seul à percevoir que sa vie est en danger, comme le note le coroner dans son rapport :

Les témoins de la scène sont tous surpris par les coups de feu, ce qui indique que leur perception de l'imminence d'une menace sérieuse à la vie de l'agent Lapointe et de l'agente Pilotte diffère grandement de celle de l'agent Lapointe (p. 127).

Le coroner écrit de plus ceci :

La preuve tend à démontrer qu'aucun des individus observant la scène n'a entretenu l'intention ce soir-là ni tenté d'attenter de quelque façon à la vie des deux agents (p. 129).

Par ailleurs, comme l’écrit le coroner, deux des trois jeunes atteint par les balles du policier étaient en train de faire marche arrière au moment où l’agent Lapointe fait feu sur eux :

Denis Meas et Jeffrey Sagor Métellus ont le temps d'amorcer un repli avant d'être eux-mêmes atteints par balles respectivement sur le côté du haut du bras et dans le dos (p. 127).

Mais qu’en est-il de Fredy Villanueva ?

Le témoignage de la pathologiste judiciaire Anny Sauvageau, qui a mené l’autopsie sur le corps de Fredy Villanueva, est fort instructif à cet effet. 

Selon la Dre Sauvageau, Fredy Villanueva était de côté, et non face à l’agent Lapointe, lorsqu’il a été atteint par les deux projectiles d’arme à feu qui se sont logés au niveau du thorax.

Voici les explications de la pathologiste judiciaire sur la trajectoire des projectiles d’arme à feu tirés sur la personne de Fredy Villanueva :

Ils proviennent du côté gauche, mais ils sont extrêmement à l’avant. Quelques centimètres de plus en avant, puis ça lui touche pas. C’est dans... ça lui passe juste devant le corps et non pas vers lui ou vers son dos, mais juste devant lui.

Parce que le tireur comme tel, je le sais pas où il est, mais l’axe du tir qui aura lieu, Monsieur Villanueva a un angle de côté, de sorte que ça passe juste devant lui, de l’épaule gauche vers la hanche droite.

Curieusement, le coroner ne fait aucune mention de cette conclusion de la Dre Sauvageau, alors qu’il s’agit là pourtant d’éléments qui sont d’une importance capitale pour une bonne compréhension des causes et circonstances du décès de Fredy Villanueva.

En outre, la Dre Sauvageau est d’avis que Fredy Villanueva a changé de position entre le moment précédant immédiatement les coups de feu et celui où il est atteint par les projectiles d’arme à feu :

À ce moment-là, j’ai l’impression qu’il aurait été face, mais c’est pas de la médecine légale, là. (…) Moi, quand le coup partira, il ne sera plus comme ça.

N’est-il pas alors logique de conclure que Fredy Villanueva a voulu rebrousser chemin, au même titre que Denis Meas et Jefrey Sagor Métellus, dès qu’il a vu que l’agent Lapointe a dégainé son pistolet semi-automatique ?

Comme le rapporte le coroner, la pathologiste judiciaire s’est montrée particulièrement réticente à offrir une telle interprétation des derniers mouvements effectués par Fredy Villanueva :

La Dre Sauvageau indique qu'il n'est pas totalement impossible que Fredy Villanueva ait été en mouvement de retrait, quoique cela ne soit pas conforme au réflexe naturel de relever le thorax en premier, peu importe la position qu'on a, alors qu'en l'espèce l'épaule est restée plus basse que la hanche. Cela lui apparaît donc plus improbable que le scénario qu'elle avance (p. 105).

Quant au coroner lui-même, il ne se prononce tout simplement pas sur cette importante question dans son rapport.

Le coroner écrit cependant ceci :

Difficile de dire quels sont les deux tirs qui atteignent Fredy Villanueva. On peut toutefois affirmer que le bout du canon de l'agent Lapointe est alors à 38 centimètres du thorax de Fredy Villanueva. C'est donc dire que Fredy Villanueva est penché et en position d'agripper l'agent Lapointe, comme ce dernier raconte que Fredy Villanueva l'a fait (p. 127).

Bien que le coroner ne prenne pas position sur la question cruciale de savoir si Fredy Villanueva a bel et bien eu un contact physique avec le policier, il écrit toutefois que la distance de 38 centimètres mentionnée ci-haut « laisse amplement de place à l'hypothèse que les mains de Fredy Villanueva aient pu toucher à l'agent Lapointe » (p. 103).

Malgré une enquête publique qui a nécessité plus de 100 journées d’audition et entrainé des coûts des millions de dollars en fonds publics, nous devons nous contenter d’un rapport énonçant de simples « hypothèses ».

Pire encore, le coroner évite de formuler clairement une opinion sur la décision de l’agent Lapointe de faire feu sur trois jeunes non-armés.

Voici en effet comment le coroner aborde la question :

Chacune des balles tirées inutilement sur un citoyen qui n'est pas ou plus une menace, comme cela peut bien avoir été le cas pour les tirs ayant atteint Jeffrey Sagor Métellus et Denis Meas de même que, possiblement, la deuxième balle ayant atteint Fredy Villanueva, dont on ignore si elle est la balle mortelle, est de trop (p. 130).

« Comme cela peut bien avoir été le cas… »

« Possiblement… »

Il n’y a pas de doute : nous voilà encore une fois dans le domaine incertain des hypothèses.

Compte tenu de la conclusion du coroner à l’effet qu’aucun des jeunes présents n’a tenté de porter atteinte à la vie des deux policiers, pourquoi alors le coroner a-t-il éprouvé le besoin d’envelopper cette affirmation d’autant de bémols et de nuances ?

Pourquoi ne pas dire, clairement et simplement, que toutes ces balles étaient de trop, de la première à la dernière ?

Après tout, la preuve entendue à l’enquête publique ne démontre pas que la première balle était nécessaire ou utile.

À notre tour de formuler une hypothèse : et si le coroner avait manqué de courage pour appeler un chat un chat, et ainsi dire, noir sur blanc, que chacune des balles tirées sur des jeunes qui ne menaçaient pas la vie des policiers ont été parfaitement inutiles, comme l’a d’ailleurs dit le témoin expert François Van Houtte durant son témoignage ?

Jouer avec ses peurs

Fait important, le coroner a rejeté la justification que l’agent Lapointe a avancée pour avoir fait feu, soit la crainte d’être désarmé :

L'agent Lapointe raconte avoir cru qu'il allait être désarmé. La preuve ne permet pas de conclure que Fredy Villanueva a tenté ou a eu l'intention de désarmer l'agent Lapointe. Étant donné que la crainte imminente d'être désarmé n'apparaît dans le récit de l'agent Lapointe que le 19 août 2008 lors d'une rencontre avec son médecin, je ne crois pas non plus que la peur légitime qu'il a pu ressentir était liée à la perception qu'il allait être désarmé par Fredy Villanueva ou par quelqu'un d'autre. Si c'est parce qu'il craignait d'être désarmé que l'agent Lapointe a tiré, il l'aurait dit le soir même au sergent Bellemare et au sergent-détective Boulé à qui il donna sa version, ce qu'il n'a pas fait (p. 127).

Autrement dit, l’agent Lapointe a fabriqué cette histoire après-coup, vraisemblablement pour légitimer sa décision de faire feu et ainsi éviter d’avoir à répondre de sérieuses accusations criminelles qui auraient pu mettre fin à sa carrière policière en cas de verdict de culpabilité.

Notons que le coroner a décidé de ne pas autoriser le dépôt en preuve d’un dossier de presse, confectionné par la CRAP, démontrant que l’agent Lapointe n’est pas le premier policier à avoir invoqué une crainte d’être désarmé après avoir enlevé la vie à un citoyen.

Des recherches dans les archives de journaux ont en effet permis de découvrir au moins six autres incidents du genre survenus au Canada sur une période de vingt ans, soit :

  • L’affaire Michel Lavoie, abattu par un agent de la Sûreté du Québec après qu’il aurait tenté de s’emparer de l’arme à feu d’un policier, à Montréal, le 30 novembre 1989 ;
  • L’affaire Hugh George Dawson, abattu par l’agent Rick Shank de la police de Toronto alors que ce dernier a allégué que sa victime l’avait désarmé avant de l’abattre, à Scarborough, le 30 mars 1997;
  • L’affaire Tony Romagnuolo, dans laquelle la couronne a allégué qu’Enzo Romagnuolo aurait tenté de désarmer un policier durant l’intervention policière qui a couté la vie à son père, Tony, à Sunderland (Ontario), le 28 décembre 1998;
  • L’affaire Darren Varley, abattu par l’agent Michael Ferguson alors que ce dernier allégué que sa victime aurait tenté de le désarmer avant qu’il ne soit abattu dans une cellule du détachement de la GRC de Pincher Creek, en Alberta, le 3 octobre 1999;
  • L’affaire Otto Vass, dans laquelle l’agent Philip Duncan de la police de Toronto a allégué que le défunt avait essayé de s’emparer de son arme à feu, à Toronto, le 9 août 2000;
  • L’affaire Shawn Michael Price, abattu par une policière alléguant que sa victime aurait essayé de désarmer son partenaire policier, à Edmonton, le 10 mai 2009.

Fait à souligner, des accusations criminelles ont été déposées contre les policiers impliqués dans les décès de Hugh Dawson, Tony Romagnuolo et Otto Vass, ce qui suggère que la couronne n’a vraisemblablement pas cru à la version des policiers, un peu comme le coroner Perreault qui n’a pas acheté la version de l’agent Lapointe sur cet aspect du drame du 9 août 2008.

Voilà qui remet quelque peu en perspective la fausse peur de se faire désarmer invoqué par l’agent Lapointe.

Mentir sans conséquence

Le rejet l’affirmation de l’agent Lapointe sur sa crainte de se faire désarmer aurait dû entacher sérieusement la crédibilité du policier aux yeux du coroner.

Surtout quand on sait que l’agent Lapointe n’a également pas dit la vérité lorsqu’il a déclaré durant son témoignage qu’il n’avait jamais craint d’être désarmé lors d’une intervention policière avant le 9 août 2008.

L’agent Lapointe a en effet déclaré ceci durant les premières journées de son témoignage à l’enquête publique :

C’est la première fois que j’ai vécu une situation comme ça, où est-ce que vraiment, là, je sentais que je pouvais facilement et j’étais sur le point de me faire dérober une de mes armes.

Or, dans un rapport d’événement rédigé par l’agent Lapointe lui-même en juillet 2006 et dont un extrait a été déposé en preuve à l’enquête du coroner, ce dernier écrit ceci :

Je craignais pour ma vie et de me faire désarmer.

Malheureusement, le coroner a choisi de taire cette contradiction majeure dans son rapport.

Le silence du coroner sur ce point est d’autant plus questionnable que l’agent Lapointe n’a également pas dit la vérité lorsqu’il a prétendu à différentes reprises durant son témoignage qu’une arme à feu lui avait été remise à son retour au travail, vers la mi-septembre 2008, « pour des raisons de sécurité ».

Le policier Lapointe a mentionné plus spécifiquement qu’il avait demandé à son employeur de ravoir un pistolet semi-automatique dans « le ou les jours suivant » son retour à son travail à cause d’un événement « survenu quelques jours avant », concernant des personnes « qui représentaient une menace directe pour (lui) ».

Or, l’agent Lapointe a été forcé de reconnaitre en contre-interrogatoire que son témoignage a été inexact sur ce point puisque l’événement auquel il a fait allusion était survenu non pas avant, mais bien après son retour au travail.

« Je crois que vers quatre heures hier soir là je commençais à être un petit peu fatigué, et effectivement j’ai fait une erreur quant aux dates », a déclaré l’agent Lapointe en guise d’explication.

Il s’agit là d’une autre contradiction importante dans le témoignage de l’agent Lapointe dont le coroner a choisi de ne pas faire mention dans son rapport.

D’ailleurs, il est quelque peu étonnant que le coroner ait choisi d’éviter de se prononcer sur l’épineuse question de permettre à un policier de porter une arme à feu bien dans un contexte où celui-ci fait l’objet d’une enquête criminelle découlant directement de l’usage qu’il a fait de son arme de service.

Étonnant parce que le coroner avait lui-même manifesté une certaine surprise lorsqu’il a abordé ce sujet avec l’agent Lapointe durant l’enquête publique :

Q. Et est-ce qu’au moment où on vous remet votre arme, vous êtes au courant que le Directeur des poursuites pénales est toujours en train d’étudier la possibilité de porter des accusations criminelles en raison de ce qui est survenu le 9 août 2008 ?

R. Oui, oui, je sais très bien, là, que ces accusations-là sont pas déposées, sont... l’enquête n’est pas terminée.

Q. Et vous savez également qu’à ce moment-là, le Directeur des poursuites pénales étudie également la possibilité ou l’opportunité de faire en sorte que ces... ces procédures soient intentées éventuellement, que ça vous inclut comme pouvant être la cible de ces... ces accusations qui pourraient être portées ?

R. Oui, bien entendu.

En Grande-Bretagne, le policier qui a tué Mark Duggan (identifié sous le nom de V53 en raison d’une ordonnance de la cour), en août 2011, a récemment été blanchi même si le jury a conclu qu’il n’avait pas dit la vérité quand il a affirmé que la victime était armée – un mensonge qui ne va pas sans rappeler celui de l’agent Lapointe quand ce dernier a affirmé qu’il avait craint d’être désarmé.

Mais au moins le policier V53 a dû attendre jusqu’au verdict du jury avant d’avoir la possibilité de pouvoir retrouver le droit au port d’arme.[6]

Le coroner a refusé de se prononcer sur le sort que le SPVM devrait réserver à l’agent Lapointe. Il s’est contenté de commenter la proposition à l’effet que l'agent Lapointe ne puisse demeurer policier, en écrivant ceci : « je ne suis pas d'avis que cela serait de nature à assurer une meilleure protection de la vie humaine » (p. 131).

Ce silence n’est d’ailleurs pas passé inaperçu auprès d’Ariane Krol, éditorialiste à La Presse. « Bien qu'il ait pour mandat de "formuler des recommandations pour une meilleure protection de la vie humaine", il ne dit pas quel suivi un service de police doit assurer auprès d'un agent qui a une perception aussi décalée dans le feu de l'action », écrit-elle en faisant évidemment allusion à l’agent Lapointe.[7]

Bien que nous ne nous attendions pas à ce que le coroner aille jusqu’à recommander le renvoi de Jean-Loup Lapointe du SPVM, le coroner aurait pu à tout le moins s’interroger à savoir si un tel policier est vraiment à sa place au sein du Groupe tactique d’intervention (SWAT du SPVM).

Deux poids, deux mesures

Nous donnons raison au coroner d’avoir dénoncé dans son rapport l’iniquité flagrante dans le traitement des témoins civils et policiers lors de l’enquête criminelle de la Sûreté du Québec sur le décès de Fredy Villanueva.

Il faut aussi reconnaître au coroner la sincérité d’avoir écrit que son rapport risque d’être biaisé  en raison de cette injustice :

Je dois cependant concéder qu'il se peut fort bien que certaines de mes conclusions soient teintées par cette iniquité. Si cela survient, il risque plus que ce soit, il faut bien l'admettre, au détriment des participants civils. En ce sens, je comprends bien leur scepticisme, tout comme celui des proches de Fredy Villanueva, à l'endroit du processus de recherche de la vérité. Je peux même comprendre que mon rapport puisse aussi en faire les frais auprès d'eux (p. 122-123).

Effectivement, c’est aux victimes de l’intervention policière du 9 août 2008 que le coroner réserve ses remontrances les plus sévères.

Il est d’ailleurs particulièrement frappant de constater à quel point le coroner ne mâche pas ses mots quand il décide de critiquer Dany Villanueva et Jeffrey Sagor Métellus, par exemple, alors qu’il met ses gants blancs quand vient le temps d’exprimer sa réprobation à l’égard des policiers impliqués.

Ainsi, le coroner a écrit à deux endroits dans son rapport que Dany Villanueva a menti durant son témoignage (p. 83 et 85).

Comme on l’a vu ci-haut, le coroner n’a pas retenu la prétention de l’agent Lapointe à l’effet qu’il avait craint d’être désarmé le 9 août 2008. Sauf qu’au lieu d’écrire que l’agent Lapointe a menti, le coroner se montre diplomate dans son choix de mots en se contentant d’écrire que « la preuve ne permet pas de conclure » que les choses se sont passées de la façon décrite par le policier.

Le coroner n’hésite pas non plus à parler de « la réaction disproportionnée de Dany Villanueva à son interpellation » (p. 101) alors qu’il se garde bien d’employer un tel langage, ou quelque autre terme similaire, pour qualifier la décision de l’agent Lapointe d’ouvrir le feu sur trois jeunes qui n’avaient aucune arme dans les mains.

Il semble d’ailleurs clair à la lecture du rapport que le coroner a décidé de ménager l’agent Lapointe, comme le démontre l’extrait ci-dessous :

À la décharge de l'agent Lapointe, il n'avait pas le bénéfice que j'ai de pouvoir considérer a posteriori des éléments de preuve abondants. Je le réalise fort bien (p. 129).

Le coroner applique le même raisonnement à l’égard de la policière Pilotte :

On a analysé en long et en large la décision de l'agente Pilotte d'aider son collègue en tentant de maîtriser Dany Villanueva plutôt que de tenir à l'écart ceux qui observaient la scène. Si elle avait agi ainsi et que l'agent Lapointe avait été grièvement blessé, on lui aurait alors reproché. Je ne suis pas du tout convaincu qu'elle n'a pas fait ce qui était souhaitable, sauf en ayant le bénéfice d'examiner le tout a posteriori (p. 130).

Pourtant, le coroner n’exprime aucun scrupule à jouer les « gérants d’estrade » quand vient le temps de condamner le comportement des victimes de l’intervention policière du 9 août 2008 :

(Fredy Villanueva) aura eu le bien mauvais réflexe ou le mauvais jugement de tenter de mettre un terme à l'altercation en s'interposant. La perception de son geste par l'agent Lapointe a été aggravée par la mauvaise décision de Denis Meas et de Jeffrey Sagor Métellus de le suivre. Je doute que Fredy Villanueva ait même pensé au risque qu'il courait en agissant de la sorte. Il ne lui est probablement pas venu à l'esprit que l'agent Lapointe puisse percevoir son geste, combiné à celui de ses camarades, comme une agression de nature à lui faire craindre pour sa vie ou pour celle de sa partenaire (p. 130).

On notera qu’à aucun endroit dans son rapport le coroner n’utilise l’adjectif « mauvais », ou quelque autre terme similaire, pour qualifier les faits et gestes de l’agent Lapointe.

Il est de plus particulièrement frappant de constater à quel point le coroner ne nuance pas ses critiques en disant, par exemple, qu’il a lui-même bénéficié d’une analyse a posteriori, contrairement à Fredy Villanueva, Denis Meas et Jeffrey Sagor Métellus.

Cela aurait été d’autant plus juste de sa part que Fredy Villanueva n’est malheureusement plus là pour faire entendre sa version des faits.

Le coroner se montre encore plus implacable à l’endroit de Dany Villanueva :

Il aurait dû savoir qu'un tel comportement était susceptible d'inciter son frère et ses camarades à se mettre de la partie (p. 129).

Pourquoi le coroner n’a-t-il pas reconnu que Dany Villanueva n’avait pas, lui non plus, le « bénéfice d’examiner le tout a posteriori », au lieu d’essayer de faire porter à ce dernier le poids insoutenable de la responsabilité du décès de son seul et unique frère ?

Le coroner semble si bien décidé à clouer au pilori Dany Villanueva qu’il va même jusqu’à écrire que ce dernier a  « sans doute … commis une infraction criminelle le 9 août 2008 » (p. 84) en ne respectant pas les termes de sa probation ce jour-là.

Or, l’article 4 de la Loi sur la recherche des causes et circonstances des décès interdit pourtant au coroner de se prononcer sur la responsabilité criminelle de quiconque !

Chose certaine, ce n’est pas au policier Lapointe que le coroner va imputer la perpétration d’une infraction criminelle.

Au contraire, le coroner préfère se montrer charitable à l’endroit de l’agent Lapointe, comme par exemple lorsqu’il parle de la « peur légitime » (p. 127) de ce dernier.

Et si Fredy Villanueva s’était mis à s’avancer en direction de l’agent Lapointe par qu’il craignait pour la vie de son frère Dany, en voyant que ce dernier s’était retrouvé en-dessous du policier « dont le poids l'empêche de bien respirer » (p. 126) ?

Pourquoi l’inquiétude qu’a vraisemblablement dû éprouver Fredy Villanueva en voyant son frère ainsi malmené par l’agent Lapointe ne serait-elle pas au moins aussi légitime que la prétendue peur du policier ?

Force est de constater qu’il semble beaucoup plus facile pour le coroner de se mettre dans les souliers des policiers impliqués que dans ceux des victimes de l’incident du 9 août 2008.

Ce qui s’explique peut-être par le fait que le coroner André Perreault a souvent eu l’occasion d’être en contact avec les milieux policiers, notamment lorsqu’il a offert des cours à l’Institut de police de Nicolet, à l’École de formation de la police de la CUM et au Collège canadien de police.

Fait pour le moins déconcertant, le coroner écrit que « l'agent Lapointe reçoit un ou des coups de poing à la tête » (p. 126) dans son « résumé de ce qui s'est probablement passé ».

Or, le coroner reconnait pourtant que « seul l’agent Lapointe mentionne que Dany Villanueva lui a donné des coups de poing sur la tête » (p. 51).

Comment expliquer que le coroner ait choisi de croire le policier, et non les autres témoins qui disent ne pas avoir constaté que Dany Villanueva ai asséné un seul coup à la tête de l’agent Lapointe durant l’intervention policière, si ce n’est que par le fait que le coroner montre un biais en faveur des policiers dans son rapport ?

Iniquités à l’enquête publique

Cela étant, nous nous permettons de douter que les iniquités observées dans le traitement des témoins civils et policiers lors de l’enquête de la SQ soient les seules à blâmer pour le double standard dont le coroner a fait preuve dans son rapport.

Après tout, ce n’est tout de même pas la faute à l’enquête boiteuse de la SQ si le coroner a fait preuve d’une certaine partialité à différents moments durant l’enquête publique.

En effet, les avocats représentant les intérêts des policiers ont bénéficiés d’une grande latitude pour attaquer la crédibilité des témoins civils durant les longs contre-interrogatoires à l’enquête du coroner.

C’est ainsi que l’avocat de la ville de Montréal et de son service de police, Me Pierre-Yves Boisvert, a pu contre-interroger Dany Villanueva pendant quatre jours de temps sans jamais poser une seule question sur l’intervention policière du 9 août 2008.

Le coroner a aussi permis que soit déposé en preuve des rapports de police traitant d’événements impliquant certains témoins civils, même pour des événements qui sont survenus après le 9 août 2008, alors qu’à l’opposé, le coroner n’a pas permis que soit déposé l’intégralité du rapport d’événement de l’agent Lapointe relativement à l’incident de juillet 2006 dans lequel ce dernier a écrit avoir craint d’être désarmé.

En fait, le coroner a seulement permis que soit déposée l’une des dix-sept pages que compte ce rapport. Qui plus est, il a ordonné le caviardage de tout le texte de ladite page, à l’exception de la petite phrase dans laquelle on peut lire que l’agent Lapointe prétend qu’il a craint de se faire désarmer.

Le coroner ne pouvait apparemment tolérer aucune mise en contexte que ce soit de cet événement, alors que cela ne lui posait pourtant pas problème quand les documents portaient sur la conduite alléguée de certains témoins civils.

Autre exemple : le coroner n’a jamais voulu exclure l’agent Lapointe de la salle d’audience durant son témoignage, comme le lui avait demandé à une occasion Me Alain Arsenault, avocat de Jeffrey Sagor Métellus, en faisant valoir que Me Pierre-Yves Boisvert suggérait des choix de réponses au témoin policier lorsque ce dernier faisait de longs discours pour s’objecter à des questions.

Par contre, le coroner a accepté d’exclure Dany Villanueva de la salle d’audience à la demande du procureur du Directeur des poursuites criminelles, Me François Brière, lors du contre-interrogatoire de ce dernier.

Le coroner n’avait d’ailleurs pas été particulièrement difficile à convaincre : Me Brière avait simplement eu à dire au coroner qu’il ne voulait pas exposer sa ligne de question en présence du témoin Villanueva. Pourtant, la pertinence de la question que Me Brière voulait alors poser semblait loin d’être évidente :

Serait-il exact de dire que, par exemple, dans votre vie, vous avez déjà circulé à plus de 100 kilomètres dans une zone de 100 kilomètres ?

Or, après avoir entendu l’argumentation de Me Brière, le coroner ne lui a pas permis d’aller plus loin dans cette ligne de questions !

Le coroner a demandé une nouvelle fois l’exclusion de Dany Villanueva, cette fois-ci lors du contre-interrogatoire de Me Pierre Dupras, l’avocat de l’agent Lapointe.

Bref, ce que le coroner considérait comme étant une précaution valable envers Dany Villanueva ne l’était visiblement pas pour l’agent Lapointe.

Pas un assassin ?

Le coroner a formulé une bien curieuse remarque dans son rapport :

On a, à l'occasion, tenté de présenter l'agent Lapointe comme un assassin. Si tel était le cas, comment expliquerait-on qu'il n'ait pas choisi de faire feu sur Dany Villanueva qui était celui qui lui avait donné le plus de fil à retordre? Son insistance à contrôler Dany Villanueva à mains nues et à convaincre son frère et ses amis de ne pas s'approcher démontre qu'il aurait bien souhaité jusqu'au tout dernier moment ne pas avoir à faire feu (p. 129).

Comme si le fait que l’agent Lapointe ait tué un seul des frères Villanueva, au lieu d’abattre les deux, pouvait représenter un facteur atténuant en sa faveur !

Ce que le coroner ne dit pas, l’agent Lapointe n’aurait pas eu plus raison de tirer sur Dany Villanueva.

Non seulement ce dernier n’était-il pas armé et n’a jamais menacé la vie de policier, mais en plus tous les témoins interrogés sur la question ont convenu que le physique de l’agent Lapointe était largement supérieur à celui de Dany Villanueva, lequel mesure 5 pieds 4 pouces et pèse 125 livres (contre 5'8" et environ 175 livres pour le policier).

Quand le coroner écrit que l’agent Lapointe « aurait bien souhaité jusqu'au tout dernier moment ne pas avoir à faire feu », il omet d’écrire que le policier aurait pu éviter de faire feu en demandant simplement l’aide de sa partenaire Pilotte, alors tout près de lui, pour tenir à distance les autres jeunes.

Ce que le coroner ne dit pas non plus est le fait que l’agent Lapointe n’a jamais prononcé de sommation à l’endroit des jeunes présents avant de faire feu, alors qu’il s’agit pourtant là d’une pratique enseignée à l’École nationale de police du Québec, comme l’atteste le précis de cours « Tir défensif » déposé en preuve à l’enquête publique.

Il ne fait peu de doute que si, par exemple, l’agent Lapointe s’était contenté de braquer son arme à feu en disant « Police, ne bougez pas ! », Fredy Villanueva serait encore en vie aujourd’hui.

Bref, ce que le coroner ne dit pas, c’est que l’agent Lapointe pouvait éviter de faire feu et ainsi ne pas donner la mort à un jeune homme qui avait toute la vie devant lui.

Pas un raciste ?

Dans son rapport, le coroner s’est interrogé à savoir si la thèse de profilage racial ou socio-économique pouvait s’appliquer à l’incident du 9 août 2008, puisqu’elle lui semblait « à première vue raisonnable dans le contexte des opérations policières fréquentes et surreprésentées à l'endroit de jeunes de minorités ethniques à Montréal et particulièrement dans les quartiers défavorisés au moment des événements » (p. 96).

Force est donc de constater que le coroner ne s’est pas enfermé dans une attitude de déni sur le phénomène du profilage racial, comme l’a fait par exemple Me Pierre-Yves Boisvert lors des nombreuses remarques désobligeantes qu’il a formulé à ce sujet durant l’enquête publique.

Le coroner est d’abord revenu sur un passage pour le moins étonnant du témoignage du policier Lapointe :

L'agent Lapointe nie tout caractère racial à son intervention du 9 août 2008. Faire preuve de racisme irait à l'encontre de l'éducation qu'il a reçue, soulignant que sa propre sœur est mulâtre et qu'il a des cousins originaires d'Amérique du Sud et que d'autres sont vietnamiens. Il affirme ne pas être raciste et n'avoir jamais agi de sorte qu'on puisse en douter. (p. 96)

En effet, le 29 mars 2010, soit la dernière journée du témoignage de l’agent Lapointe, ce dernier a fait la déclaration suivante :

Après l’événement, les jours qui ont suivi, je crois que dans les médias, dans ce que j’ai pu percevoir de la réaction médiatique sur la place publique, les gens ont affirmé ou j’ai entendu des affirmations comme quoi cet événement-là découlait de profilage racial ou de comportement racial, principalement venant de ma part et ensuite de ça qui déteignait sur l’ensemble du travail policier et je n’étais vraiment pas en accord avec ça.

J’ai ma propre sœur aînée qui est mulâtre, d’origine, excusez-moi, d’origine... excusez-moi, je cherche mes mots un petit peu. Ma sœur est mulâtre, ma propre sœur aînée, que j’ai connue depuis que je suis né. J’ai des cousins qui sont Latinos, d’origine, ils proviennent de l’Amérique du Sud. J’ai d’autres cousins et cousines qui sont Vietnamiens.

Par un étrange hasard, qui n’en est peut-être pas un, l’inventaire des différentes origines des différents membres de la famille de l’agent Lapointe ainsi énoncée ce dernier correspond quasi-précisément à celles de ses trois victimes.

En effet, Jeffrey Sagor Métellus est mulâtre ; Fredy Villanueva était d’origine latino-américaine tandis que Denis Meas est originaire du Cambodge, un pays voisin du Vietnam.

Comme l’agent Lapointe a affirmé avoir des « cousins et cousines qui sont Vietnamiens », peut-être a-t-il confondu le Cambodge avec le Vietnam ?

Après tout, pour reprendre les propos tenus par Me Günar Dubé, l’avocat de Dany Villanueva, lors des plaidoiries à l’enquête du coroner, il ne faut pas trop en demander à un policier qui n’est même pas capable de dire quelle est l’origine de sa propre sœur !

Toujours est-il que le coroner conclut ceci :

La preuve ne permet pas de soutenir que l'agent Lapointe et l'agente Pilotte soient intervenus pour des motifs racistes non plus qu'elle révèle un certain profilage racial ou social de leur part. En fait, la commission de l'infraction par certains individus du groupe jouant aux dés, les caractéristiques connues de Jeffrey Sagor Métellus et Dany Villanueva relatives à leur appartenance à un gang de rue et les antécédents criminels de Jeffrey Sagor Métellus donnent plus l'impression que l'agent Lapointe s'est comporté à leur endroit en ayant eu recours aux caractéristiques du profilage criminel (p. 100).

Bien que le coroner ait blanchi l’agent Lapointe des allégations de racisme et profilage racial qui avaient été formulées à son endroit, il n’en recommande pas moins à l’École nationale de police du Québec « de prévoir que le programme de formation inclue un volet sur les distinctions à faire entre le profilage criminel, le profilage racial et le profilage social ». (p. 133)

Fait intéressant, le coroner semble d’avis que l’interpellation de Dany Villanueva par le policier Lapointe relevait davantage d’un contrôle d’identité que de l’application d’un règlement municipal :

L'intervention de l'agent Lapointe auprès de Dany Villanueva ressemble toutefois assez bien, au premier abord, à la catégorie, identifiée par monsieur Charest, d'interventions organisationnelles de contrôle d'identité visant des jeunes de communautés visibles de Montréal-Nord. Difficile de dire en effet si, n'eût été que l'incident vire au drame, l'agent Lapointe aurait remis un constat à Dany Villanueva si ce dernier avait donné son identité. (p. 100)

En d’autres mots, il s’agissait-là d’une « expédition de pêche », pour reprendre l’expression employée par le criminologue du SPVM Mathieu Charest, auquel le coroner a fait allusion, dans son texte intitulé « Mécontentement populaire et pratiques d'interpellation du SPVM depuis 2005 », un document cité par le coroner dans son rapport et qui a été déposé en preuve à l’enquête publique en dépit du fait que Me Pierre-Yves Boisvert se soit battu avec l’énergie du désespoir pour que son contenu demeure secret.

Ces « expéditions de pêche » sont-elles une pratique policière légitime aux yeux du coroner ? Impossible de le savoir puisque le coroner ne se prononce pas là-dessus dans son rapport.

Le criminologue Charest n’a quant à lui pas eu peur de critiquer directement le SPVM sur ses pratiques d’interpellation. « La proportion de jeunes noirs interpellés dans les quartiers sensibles (plus ou moins 40%) est beaucoup trop élevée. (…) Le fait qu’autant de noirs et de blancs fassent l’objet de contrôles d’identités dans certains quartiers ne fait pas de sens », a-t-il écrit dans son document.

Dans son rapport, le coroner cite aussi un extrait du plan d’action local du poste de quartier 39, également déposé en preuve à l’enquête publique, dans lequel on peut lire que les dirigeants policiers préconisent que les policiers se mettent à « exercer une pression sur les sujets de gangs de rue, et ceux qui gravitent aux alentours ».

Compte tenu que le coroner n’a pas exprimé de remarques critiques concernant ce passage controversé, il faut malheureusement en déduire qu’il ne semble pas voir de problème avec cette approche policière musclée qui correspond en fait à une politique de harcèlement policier pure et simple.

Le coroner s’est également abstenu de commenter la remarque retrouvé au sein du rapport du psychologue Martin Courcy et cité dans son rapport à l’effet que « l'approche éclipse à Montréal-Nord ne mène nulle part, sinon au bord du gouffre » (p. 98).

Pourtant, les conséquences d’une telle approche sont là, conséquences qui ne sont d’ailleurs pas passées sous silence dans le rapport du coroner :

Bien qu'en l'espèce les agents Lapointe et Pilotte n'aient pas fait preuve de racisme et de profilage racial et social, autrement qu'en répondant à des attentes organisationnelles, il est logique de penser que la réaction de Dany Villanueva, de son frère et de leurs camarades a en partie répondu à leurs perceptions de profilage racial et social semblables à celles entretenues par un bon nombre de citoyens de Montréal-Nord, particulièrement les jeunes, rapportées par monsieur Charest, et qui ont probablement aussi contribué de la même façon à provoquer l'émeute du 10 août 2008. (p. 100-101).

La science au service de la police

Le coroner semble avoir fait sienne la thèse du tir accidentel mise de l’avant par Denis Rancourt, témoin expert en modélisation dynamique, en contrôle moteur humain et en anatomie, dont il ne manque pas de souligner « l'expertise scientifique » (p. 122).

Dans son rapport, le coroner écrit que Rancourt « estime tout de même à 90 % les probabilités que l'agent Lapointe ait décidé d'arrêter de tirer au moment où il tirait sa deuxième balle, probablement celle qui atteignait Fredy Villanueva pour la deuxième fois, mais peut être aussi la première balle qui l'atteignait, si le premier tir a atteint Denis Meas » (p. 108).

Notons que ce n’est pas la première fois que la thèse du tir accidentel est évoquée pour expliquer une bavure policière.

On se rappellera que l’agent Allan Gossett a répété à qui voulait bien l’entendre que « le coup est parti tout seul » lorsqu’il a fait feu sur le jeune Anthony Griffin, en novembre 1987.[8]

Voilà qui revient à toutes fins pratiques à dire : c’est pas de ma faute, c’est celle de mon gun !

Même refrain du côté de l’agent Michel Garneau, qui a tiré une balle dans la tête du jeune Martin Suazo, en mai 1995. « C'est un accident, c'est comme si quelqu'un d'autre avait tiré », a-t-il déclaré durant son témoignage à l’enquête publique de la coroner Anne-Marie David.[9]

Or, dans l’affaire Villanueva, le coroner est bien l’un des seuls à penser, avec Rancourt, que l’agent Lapointe ait pu tirer des balles « par erreur ».

En effet, contrairement aux policiers Gossett et Garneau, l’agent Lapointe a toujours bien assumé sa décision de tirer et n’a donc jamais évoqué la thèse du tir accidentel. « Je cesse les mises à feu immédiatement lorsque je perçois l’arrêt et le recul des masses sur moi », a soutenu le policier, tant dans son rapport que durant son témoignage, se référant à ses victimes comme étant des « masses ».

Bref, invoquer la thèse du tir accidentel pour expliquer les coups de feu difficilement défendables de l’agent Lapointe revient à réécrire l’histoire, tout simplement.

Le coroner ne montre pourtant aucune hésitation à se référer à cette thèse profondément questionnable dans ses conclusions :

Il faut éviter de constater qu'un policier ayant fait feu sur quelqu'un qui ne constituait pas ou plus une menace ne comprenne pas l'avoir fait. C'est le cas de l'agent Lapointe qui s'explique mal avoir atteint Jeffrey Sagor Métellus dans le dos alors qu'il croyait qu'il fonçait sur lui au moment des tirs. (p. 131)

Les études récentes qui m'ont été citées et les commentaires de messieurs Poulin, Rancourt et Van Houtte m'amènent à croire qu'on a peut-être sous-estimé jusqu'à ce jour les connaissances acquises relativement au phénomène des balles tirées inutilement par un policier après qu'une menace a cessé, avant qu'il réalise que la menace a cessé. On néglige peut-être l'analyse des découvertes de la science en ce domaine lorsque vient le temps de choisir les armes à feu fournies aux policiers patrouilleurs et les spécifications de ces armes à feu relatives à la rapidité de tir. (p. 130)

Précisons que François Van Houtte a rejeté du revers de la main la thèse des tirs accidentels durant son témoignage à l’enquête du coroner, dont voici un extrait :

Maintenant sur la possibilité que le policier n’ait pu contrôler consciemment le nombre de balles tirées, ça aussi j’ai énormément de difficulté avec ça et la raison principale est que le policier Lapointe a consciemment, il l’a dit lui-même, consciemment pris la décision de tirer à un moment donné, à un point précis et lorsqu’il a pris cette décision de tirer, il savait exactement quand il allait arrêter de tirer. Il n’avait pas besoin d’un commandement supplémentaire. Et dans sa... de la façon que lui-même l’a verbalisé, il a arrêté de tirer quand la dernière menace n’en était plus une.

Toujours est-il que le coroner accorde une telle importance « découvertes de la science » qu’il va jusqu’à invoquer les études récentes en ce domaine pour formuler une de ses recommandations à la direction de l’organisation et des pratiques policières du ministère de la Sécurité publique du Québec :

qu'elle s'assure que les corps de police ne munissent pas leurs policiers patrouilleurs d'armes à feu dont la séquence de tir après le premier tir est si rapide que, comme le démontrent les études récentes et des expériences, 3 à 8 balles peuvent être systématiquement tirées en 1 seconde ou 1,5 seconde après que la menace a cessé et avant que le policier le réalise (p. 132)

Si nous n’avons aucun problème avec cette recommandation particulière du coroner, il reste que nous nous opposons à toute idée d’imputer la responsabilité de certains tirs de l’agent Lapointe sur l’arme à feu au lieu du tireur.

Cela étant, ce que le coroner ne dit pas quand il évoque de récentes études dans son rapport, c’est que leurs deux principaux auteurs, soit les professeurs américains Bill Hudson et Bill Lewinsky, avaient donné une orientation bien spécifique à leurs travaux de recherche.

Voici un extrait particulièrement révélateur d’un article rédigé sous la plume de Hudson et Lewinsky et déposé en preuve à l’enquête du coroner :

(TRADUCTION) Dans la dernière édition de The Police Marksman nous avons écrit sur les premiers résultats d'une étude menée avec le soutien de certains individus très talentueux dans le Département de génie électrique et informatique à l'Université de l'État du Minnesota, Mankato. Bien que nous ayons reçu un appui considérable sous la forme d'assistants diplômés, équipement, etc., de l'université, et la coopération incroyable de département de police de Tempe, l'étude a encore coûté à l'auteur principal près de 20 000 $ et un mois de sa vie. Donc, pendant que vous lisez cet article et que vous vous demandez pourquoi quelqu'un fait des recherches sur quelque chose d’aussi inhabituel, surtout quand cela lui en coûte beaucoup, la réponse n'est pas que c'est parce nous sommes des professeurs d'université et n'avons pas de vie. La vraie raison est parce qu'il y a au moins trois policiers dans ce pays qui font actuellement face à des accusations d'homicide, sous certaines formes, parce que nous croyons qu'un procureur de la poursuite juge leur tir en se basant sur les notions romantiques de bien et mal, ou des notions légales de l'homme rationnel, sans une compréhension des limitations humaines de base.

Ainsi, selon ces « éminents esprits scientifiques », la décision de trainer en justice un policier pour avoir abattu un citoyen qui ne représentait pas, ou plus, une menace, relèverait de « notions romantiques de bien et mal » !

De toute évidence, messieurs Hudson et Lewinsky peuvent difficilement prétendre à la neutralité scientifique, ce qui aurait dû inciter le coroner à faire preuve d’une certaine méfiance envers une science ouvertement pro-policière.

Le tabou du désengagement

L’article 3 de la Loi sur la recherche des causes et circonstances des décès prévoit que le coroner peut formuler « toute recommandation visant une meilleure protection de la vie humaine ».

Si certaines recommandations du coroner nous apparaissent pleines de sagesse et de bon sens, leur formulation nous a cependant souvent laissé sur notre faim.

Prenons, par exemple, cette recommandation du coroner formulée à l’endroit de la direction de l’organisation et des pratiques policières du ministère de la Sécurité publique :

que soient élaborés des principes d'orientation, des pratiques d'application et des considérations, du type de ceux qui s'appliquent dans les cas de poursuite policière d'un véhicule (sujet 2.1.4 du Guide de pratiques policières), lorsque les policiers désirent intervenir auprès d'une personne relativement à la commission d'une infraction pénale provinciale ou municipale ne mettant pas en danger de façon imminente la santé ou la sécurité et que cette personne et les individus qui l'accompagnent sont en surnombre par rapport aux policiers (p. 132)

Encore une fois, voilà une recommandation que nous appuyons sans réserve.

Cependant, nous constatons que le coroner se refuse, une fois de plus, à appeler un chat, un chat.

Car ce dont il est question ici, c’est de la notion de désengagement.

En effet, tel que cela fut mentionné à l’enquête du coroner, il existe des directives en matière de poursuites policières à haute vitesse stipulant, grosso modo, que les policiers doivent cesser immédiatement la poursuite s’il peut être démontré que cela soit dans le meilleur intérêt de la sécurité des policiers et/ou du public.

Or, la notion de désengagement représente un certain tabou dans la sous-culture policière.

Bruno Poulin, enseignant en emploi de la force à l’École nationale de police du Québec, a reconnu que l’idée de désengagement suscitait une certaine réticence dans les rangs policiers.

« Quand on enseignait, puis on disait qu’il fallait qu’il y ait un... un désengagement... désengagement, au niveau policier, ça passe moins bien. Tandis qu’un repli stratégique, ça passe mieux... », a-t-il expliqué durant son témoignage à l’enquête du coroner.

En fait, Poulin lui-même ne semble pas particulièrement chaud à l’idée de désengagement :

La sécurité publique n’en prend pour un rhume. Si jamais un policier arrête quelqu’un puis il le laisse toujours aller parce que ça brasse un petit peu, bien, c’est pas ça qui est enseigné non plus.  T’sais, à un moment donné, là, il faut nuancer ce que ça... À chaque fois que des policiers font une arrestation et que des gens protestent puis là, on enseigne de toujours se replier, il y aurait pas beaucoup d’arrestations à Montréal, là. T’sais, il faut nuancer, là.

« L’idée que de se désengager ce n’est pas nécessairement bien vu chez la police, là, mais c’est un principe qu’il faut renforcir et expliquer de la bonne façon », a fait valoir de son côté le témoin expert Van Houtte, lequel a d’ailleurs lui-même été confronté à cette résistance policière à la notion de désengagement. « J’ai déjà posé la question à des policiers de Québec, lors d’un cours, et ces mêmes policiers, qui étaient tous des superviseurs, m’avaient répondu : "Bien, à Québec on ne passera jamais deuxième" », se souvient-il.

Ce n’est pas en taisant le mot désengagement qu’on viendra à bout de ce tabou en milieu policier, bien au contraire.

Et c’est parce que nous sommes d’avis qu’il faut prendre le taureau par les cornes que nous croyons que le coroner aurait plutôt dû s’inspirer de la recommandation que le témoin expert Van Houtte a formulé dans son rapport déposé en preuve à l’enquête du coroner.

Van Houtte avait ainsi proposé « que le tableau de la problématique de l’emploi de la force de l’École Nationale de la Police du Québec soit représentatif de la notion de désengagement, comme composante essentielle du tableau et non pas comme un simple éclaircissement ou une option négligeable à l’extérieur du tableau ».

Tirer pour tuer

Dans ses autres recommandations adressées au ministère de la Sécurité publique, le coroner a proposé la création d’un document explicatif du type de celui produit par l'École nationale de police du Québec accompagnant le modèle national de l'emploi de la force, annexé au Guide de pratiques policières.

Le coroner recommande notamment :

que ledit document explicatif, après consultation auprès de juristes, expose une position claire du ministère de la Sécurité publique sur la pratique et l'enseignement controversés aux policiers patrouilleurs de toujours viser les « centres masses » jusqu'à ce que la menace cesse, sachant que cela conduit à ce que, presque systématiquement, des balles sont tirées inutilement; (p. 132)

Nous n’avons, encore une fois, rien à redire sur la nature de la recommandation.

Mais nous sommes, une fois de plus, déçus par la timidité de sa formulation.

Il nous apparait en effet incompréhensible que le coroner n’ait pas jugé bon de recommander directement que l’École nationale de police du Québec cesse d’enseigner aux policiers de faire feu sur le « centre-masse », surtout qu’une telle pratique revient, plus souvent qu’autrement, à tirer pour tuer.

Et ce n’est pas seulement nous qui le disons. Un commandant à la retraite l’a lui-même déclaré à La Presse, sous le couvert de l’anonymat, il y a quelques années.

« Quand tu sors ton arme, c'est pour protéger ta vie. Tu tires pour tuer, pas pour blesser, et tu vises le cou, le thorax - la ceinture et le cou », a-t-il lancé.[10]

C’est donc dire qu’une recommandation à l’effet d’interdire de tirer pour tuer aurait été parfaitement conforme au volet préventif du mandat du coroner de trouver des manières d’assurer une protection plus efficace de la vie humaine.

Surtout qu’on peut également s’attendre à d’importantes résistances de la part des milieux policiers face à toute tentative de modifier l’enseignement sur l’usage de l’arme à feu pour que les aspirants policiers soient formés à tirer sur une région de l’anatomie humaine que sur celle du « centre-masse ».

Mentionnons à cet effet que le fait que Bruno Poulin n’ait pas hésité à faire l’apologie d’une telle pratique durant son témoignage à l’enquête du coroner :

Le centre masse, ça le dit. C’est l’endroit le plus facile à atteindre pour le policier. Le centre masse est l’endroit où il va y avoir un arrêt du mouvement le plus rapidement possible. C’est l’endroit qui va atteindre, qui va faire un choc vagal, qu’on appelle, qu’il va y avoir une perte de sang importante, puis c’est l’endroit qui risque d’avoir un arrêt le plus instantané.

C’est donc une belle occasion que le coroner a manqué en ne recommandant pas au ministère de la Sécurité publique et à l’École nationale de police du Québec d’abandonner une fois pour toute une pratique létale qui a déjà coûté un trop grand nombre de vies humaines.

Des GPS ? Pourquoi faire ?

À notre grande surprise, le coroner a cru nécessaire de faire la recommandation suivante au Service de police de la ville de Montréal :

d'examiner la possibilité de doter ses véhicules de systèmes de localisation de véhicule par satellites Global Positioning System (GPS); (p. 133)

Nous ne voyons vraiment pas comment l’installation de systèmes GPS sur les véhicules du SPVM aurait été susceptible d’assurer une meilleure protection de la vie des constables Lapointe et Pilotte dans un contexte où personne n’a tenté d’attenter à la vie de ceux-ci.

Qui plus est, la preuve entendue à l’enquête du coroner ne permet pas de conclure que l’installation d’un système de GPS sur l’auto patrouille transportant les constables Lapointe et Pilotte aurait pu changer quoi que ce soit au niveau de la vitesse avec laquelle les renforts policiers sont arrivés sur les lieux de l’intervention policière du 9 août 2008.

Le coroner lui-même ne pourrait soutenir le contraire puisqu’il fait la remarque suivante dans son rapport :

Quant à l'agente Pilotte, l'omission d'aviser que son duo n'était plus en route vers le boulevard Langelier et le temps qui s'est écoulé avant qu'elle signale sa position a été, selon moi, sans conséquence. La vitesse avec laquelle les choses se sont déroulées n'aurait pas permis l'arrivée des renforts demandés par l'agent Lapointe alors qu'il se trouvait contre le capot, dans un laps de temps qui aurait pu éviter que le drame se produise (p. 129-130).

La présence d’une telle recommandation dans le rapport du coroner est d’autant plus questionnable quand on sait qu’il en coûterait au bas mot 100 millions de dollars aux contribuables montréalais pour financer l’achat et l’installation de systèmes de GPS sur chacun des milliers de véhicules que compte le parc automobile du SPVM.[11]

Prévenir le profilage racial ?

Le coroner a également recommandé au SPVM :

- de veiller à ce que les policiers appelés à intervenir dans l'arrondissement de Montréal-Nord reçoivent une formation relative à l'intervention auprès de personnes issues de minorités ethnoculturelles et à leurs perceptions de la police; (p. 132)

La présence de cette recommandation semble suggérer que le coroner est d’avis que l’attitude de certains policiers patrouillant à Montréal-Nord laisse profondément à désirer en ce qui a trait aux relations avec les minorités ethnoculturelles de cet arrondissement.

Si la recommandation ne nous pose pas problème en tant que telle, nous ne pouvons nous empêcher de nous poser la question suivante : combien de recommandations est-ce que ça va prendre ?

Car c’est loin d’être la première fois que le décès d’un citoyen racisé donne lieu à la formulation d’une recommandation en ce sens.

En 1988, le rapport du comité d’enquête sur les relations entre les corps policiers et les minorités visibles et ethniques (comité Bellemare) recommandait « que les policiers soient formés à la réalité multiculturelle, mais surtout au respect des droits de tous les citoyens, et particulièrement du droit à l’égalité ».

En 1992, le rapport du coroner Harvey Yarosky recommandait « qu’un groupe de travail spécial soit nommé afin d’élaborer un plan d’action concret pour contrer le racisme au sein du Service de police de la communauté urbaine de Montréal ».

Vers la fin de l’année 1992, le rapport du Groupe de travail sur les relations entre les communautés noires et le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal (rapport Corbo) recommandait « que soit renforcée la formation initiale des futurs membres du SPCUM, aux plans théoriques et pratique, en matière de diversité culturelle ».

Compte tenu que les recommandations antérieures ne semblent pas avoir eu l’effet escompté auprès des policiers, n’aurait-il pas été préférable que le coroner recommande plutôt au SPVM de se montrer plus sévère à l’endroit de ses policiers qui font preuve de racisme ou se livrent au profilage racial ?

Des valeurs de soumission aux jeunes ?

Dans son rapport, le coroner a cru bon d’adresser une recommandation au ministère de l’Éducation du Québec à l’effet :

- de promouvoir, dès le début du secondaire :

- l'enseignement de la façon adéquate de se comporter avec un policier lors d'une interpellation pour une infraction criminelle ou pénale et de la façon de contester une accusation criminelle ou un constat d'infraction;

- l'enseignement de la façon adéquate de se comporter en cas d'interpellation ou d'arrestation d'un tiers, en insistant sur les risques d'intervenir et sur la perception que les policiers peuvent avoir d'une telle intervention;

- l'enseignement des conséquences pour une personne qui refuse d'établir son identité à la demande d'un agent de la paix qui l'informe qu'elle a commis une infraction.

À notre avis, il s’agit probablement là de la pire des recommandations que contient le rapport du coroner.

Quand le coroner parle d’insister « sur les risques d'intervenir », nous en déduisons qu’il souhaite que les enseignants évoquent le décès de Fredy Villanueva au chapitre des conséquences les plus extrêmes que risque de subir des civils décidant se mêler d’une intervention policière.

Il nous apparait parfaitement indécent que la mort injuste de Fredy Villanueva puisse être instrumentalisée à des fins de promouvoir la soumission à l’autorité policière chez les jeunes, ce qui revient à toutes fins pratiques à vouloir générer un sentiment de peur à l’égard de la force constabulaire auprès de ceux et celles qui formeront la société de demain.

Bien entendu, ce sont les avocats représentant les intérêts des policiers qui ont fait de cette recommandation un de leur cheval de bataille durant l’enquête du coroner. Mais il y a aussi Bruno Poulin qui s’en est fait l’apôtre durant son témoignage.

Lorsque le coroner a demandé à Poulin s’il voulait lui suggérer des recommandations, la seule idée qui est venu à l’esprit de ce dernier consistait à proposer d’éduquer la population sur la façon de se comporter en présence de policiers.

Voici d’ailleurs comment Poulin a présenté son idée au coroner :

Les gens, quand t’approches d’un policier, O.K., la perception du policier qu’il peut avoir de la situation est toute autre que peut-être qu’un citoyen peut avoir.

Approcher un policier rapidement, par exemple, les mains dans les poches, c’est pas une bonne idée, c’est pas une bonne idée parce que les policiers vont avoir une perception... Il y a peut-être une certaine forme d’éducation à faire au niveau de la population, comment agir envers les policiers.

Aux États-Unis, c’est plus clair, les gens approchent pas un policier. Je dis pas que ça doit être comme les États-Unis, mais essayez d’approcher un policier à New York pour lui demander un renseignement les mains dans les poches, c’est pas une bonne idée.

Heureusement, François Van Houtte a fait contrepoids à la proposition de Poulin, en racontant l’anecdote suivante durant son témoignage :

Vous savez j’avais intercepté moi, il y a longtemps, j’étais jeune patrouilleur, j’avais intercepté un véhicule de Détroit, à 2 h 00 du matin, sur l’autoroute, une autoroute fédérale à Ottawa et à ma grande surprise, l’individu avait commis une infraction au Code routier, avant même que je débarque du véhicule, les quatre occupants sont sortis du véhicule et ils ont mis leur main sur le toit du véhicule qu’il conduisait.

Alors, je suis resté surpris naturellement, j’avais donné ma position, puis j’avais un autre véhicule qui s’en venait pour me donner du renfort s’il y avait une situation.

Lorsque j’ai approché les individus, la première question que j’ai dit au chauffeur, j’ai dit : « Vous monsieur, venez vers moi, les autres, s’il vous plaît, je vous demanderais de retourner dans votre véhicule » et j’ai demandé pourquoi qu’il agissait ainsi?

Il m’a répondu « qu’eux autres ils venaient de Détroit, puis qu’après 11 h 00 le soir à Détroit », en passant c’étaient quatre individus de couleur, quatre noirs, ils m’ont répondu qu’à Détroit, s’ils ne faisaient pas ça, il y avait des grosses chances qu’ils se feraient tirer par la police.

Alors, c’est complètement une autre réalité qui n’est pas la nôtre et heureusement qu’ici le contrôle des armes à feu se fait de façon beaucoup plus restreinte, on est beaucoup plus strict là-dessus, et ce n’est pas... on ne peut pas commencer à employer ou se fier à ce qui se fait aux États-Unis de ce côté-là.

Si le coroner avait aussi recommandé que les jeunes soient informés de leurs droits face à la police – comment porter plainte contre un policier, droit de filmer une intervention policière, etc. – on aurait alors pu au moins conclure que le coroner ne souhaitait pas simplement que les jeunes se fassent inculquer des valeurs de soumission.

Malheureusement, ce type de recommandation brille par son absence dans le rapport du coroner.

Étonnamment, contrairement à certaines des recommandations que le coroner a adressées à l’endroit du ministère de la Sécurité publique, le coroner ne propose pas que le ministère de l’Éducation ne sollicite l’avis de juristes pour promouvoir « l’enseignement » décrit dans sa recommandation citée ci-haut.

Or, il existe de la jurisprudence en droit canadien prévoyant que les citoyens sont en droit de protester, voire d’intervenir, lorsqu’ils sont témoins de force excessive de la part d’un policier.

(TRADUCTION) « Lorsque les actions de la police peuvent être considérées comme manifestement excessives dans les circonstances, les protestations par une personne arrêtée ou une personne agissant en son nom peuvent être pleinement justifiées », a écrit la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, en 1970, dans l’affaire R. v. Long.

(TRADUCTION) « La conduite de l'agent McKenzie, en montant derrière Mme Bonet, en la frappant sur ​​la tête, en la saisissant par les cheveux, en la soulevant du sol, en la jetant par terre et en la trainant sur une distance de 30 pieds jusqu’à la voiture de police est si déraisonnable et excessive dans les circonstances qu’une telle arrestation perd sa légitimité à travers l'utilisation de la force excessive. Si l'arrestation de Mme Bonet est illégale et excessive, M. Meroda ou quiconque d'autre a le droit d'y mettre fin en intervenant tant qu'ils n'utilisent pas une force excessive. Par conséquent, l'arrestation ou le fait d'empêcher M. Meroda d'aider Mme Bonet de se libérer de son arrestation illégale sont également illégales », écrit le juge Fraser de la Cour provinciale de l’Alberta.

Enfin, en 1997, le juge Graham de la Cour de justice de l’Ontario a acquitté un mineur inculpé d’agression armée avec un véhicule motorisé et de conduite d’un véhicule motorisé mettant le public en danger pour avoir foncé sur un groupe de policiers avec un autobus pendant que ceux-ci battaient un manifestant dénommé Bernard George. Le juge a conclu que l’accusé s’était servi de l’autobus comme d’une arme pour intimider les policiers, que les gestes de l’accusé étaient intentionnels et que celui-ci ne se souciait pas de la possibilité de heurter ou non les policiers. Mais le tribunal a aussi accepté la version de l’accusé à l’effet qu’il avait agi ainsi pour venir en aide à M. George et a donc conclu que ses actes étaient justifiés.

 

[1] Cyberpresse, « Villanueva: aucune accusation contre le policier », Catherine Handfield, Mis à jour le 2 décembre 2008 à 09h02.

[2] Le Devoir, « La SQ: nomination de deux avocats », PC, 23 novembre 1996, p. A6.

[3] The Gazette, “Lawyers presiding”, February 22 1997. p. A10.

[4] Cyberpresse, « Le juge André Perreault présidera l'enquête Villanueva », Caroline Touzin, 2 octobre 2009.

[8] La Presse, « Les parents de Griffin veulent soumettre le jugement civil à la Cour suprême », Yves Boisvert, 21 mars 1995, p. A8.

[9] Le Journal de Montréal, « L'agent impliqué dans la mort de Suazo: "C'est un accident" », Hélène Boyer, 17 février 1996, p. 6.

[10] La Presse, « Les policiers auraient-ils pu agir autrement ? », Daphné Cameron, Catherine Handfield, Louise Leduc, 9 juin 2011, p. A8.